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Le charmant Musée de Carouge (ancienne demeure d’un horloger) met à l’honneur, la citoyenne d’adoption, Christa de Carouge, styliste atypique et figure de proue de la mode en Suisse. Une amoureuse de la vie et du beau, une femme rebelle et convaincue qui a sublimé le Noir dans sa vie et ses créations.

Nous avions, comme beaucoup d’entre vous, appris son décès soudain en début d’année par la presse, sans savoir vraiment qui était cette “Dame en noir”, comme elle fut qualifiée à juste titre. L’annonce de l’exposition organisée par le Musée est donc une belle manière de découvrir la vie et l’oeuvre de cette créatrice originale et avant-gardiste. Rendez-vous pris avec les commissaires de l’exposition : Klara Tuszinski et Géraldine Glas qui nous accueillent chaleureusement et nous guident durant la visite ce mercredi matin.

Comme toujours petit retour historique pour vous donner quelques informations sur sa biographie. Baloise d’origine, Christa (Furrer de son vrai nom) grandit entre une mère couturière, des grands parents tisserands et un père cuisinier qui lui transmet sa passion ! Son avenir professionnel semble vraiment tout tracé et ses choix vont le confirmer. Diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts de Zurich comme graphiste, elle épouse un propriétaire de magasins de confection! Installation à Genève, puis Carouge, où elle débute sa carrière de styliste en autodidacte.

Suite à son divorce, elle retourne à Zurich. Mais son flirt avec Carouge lui laisse un fort goût de « reviens-y », elle y ouvre sa première boutique de mode en 1978, au 11 de la rue Saint-Victor. L’enseigne porte son nom, Christa de Carouge. La dame en noir séjournera un quart de siècle dans cette charmante cité, entre vie professionnelle et vie privée, développant une clientèle très fidèle et des relations amicales durables dont vous lirez des témoignages émouvants durant la visite. Voici quelques moments clés de sa carrière, comme l’ouverture de boutiques à Zurich, Bâle, Berlin, Düsseldorf… ainsi que des récompenses comme le Prix de l’Artisanat de Genève ou le “Glory Award”.

En 2004, touchée par le ralentissement économique à Carouge, elle fait ses valises direction Zurich, plus dynamique à ses yeux! Fini les aller-retour, elle prend sa retraite en 2013, passant la main à son “héritière”, Deniz Ayfer, en 2015 (la marque De Niz).

Son décès inattendu en janvier 2018 plonge ses proches et sa clientèle dans une grande tristesse, c’est pourquoi la ville de Carouge et le Musée ont oeuvré à mettre en place cet hommage, réunissant pour l’occasion photographies, vêtements de collections privées, croquis, notes et des témoignages de ceux qui l’ont côtoyée. Notamment celui de son frère, Beat Furrer, qui a collaboré étroitement à la réalisation de l’exposition.

©Aurélien Bergot et Musée de Carouge

Un premier coup d’oeil à la mise en scène suffit à révéler la personnalité de la Dame en noir, ses sources d’inspiration, ses passions… D’abord la couleur, le noir domine dans toutes les salles. Pour Christa, le noir est La couleur par excellence, synonyme d’élégance, de pureté, de sérénité. Inspirée par son artiste favori, Soulages, qui lui aussi, a su jouer avec le noir et sa lumière! “Le noir est une couleur en soi, qui résume et consume toutes les autres” a dit Matisse, citation que n’aurait pas renié la styliste! Mais des vêtements aux couleurs plus chatoyantes (rouge, bleu, curcuma) illuminent aussi la mise en scène. Ces couleurs, souvenirs visuels de ces voyages en Asie (Chine, Tibet, Népal), que cette baroudeuse a sublimées dans son style : “Il faut beaucoup voyager, beaucoup chercher, beaucoup travailler et surtout beaucoup créer”, a t-elle dit!

Ses collections reflètent l’influence indéniable des créateurs japonais (Kenzo Takada, Issey Miyake, Yoji Yamamoto) qui ont révolutionné le monde de la mode dans les années 70, prônant le minimalisme, les formes épurées, les tissus sombres. Vous remarquerez également tout au long de la visite combien sa formation de graphiste et ses références à l’architecture (principalement le Bauhaus et Le Corbusier) l’ont amenée à créer les vêtements comme “des maisons à meubler”. Confort et raffinement zen pour toutes ses collections, chaque pièce étant modulable, réversible, s’adaptant à tous les physiques : “Lorsque je crée un vêtement, j’ai le sentiment de le construire selon un plan d’architecte”, de nombreux croquis au feutre noir en sont une parfaite illustration.

Ayant baigné très jeune dans l’univers du textile, Christa connaît les matières sur le bout des doigts. Elle joue à volonté avec tous les textiles, naturels comme la soie, le crêpe, le lin, le cachemire, mais aussi la microfibre, et leur fait subir différents traitements pour en tirer le meilleur. La mise en scène sobre des trois salles résulte du travail des commissaires de l’exposition et du graphiste, Vincent Schambacher. La disposition des créations dévoile la cohérence des collections et le caractère intemporel de son style, elle qui s’est toujours affranchie des diktats de la mode! “Je suis une rebelle dans l’âme…je ne suis pas un banal produit de masse”.

Qu’en aurait-elle pensé ? Elle qui a toujours mis en scène son travail (tel le personnage théâtral qu’elle incarnait) n’hésitant pas à faire poser ses mannequins dans un lieu désaffecté, un parking souterrain, une maison délabrée et même le MAMCO…”Je n’ai rien à faire du défilé classique qui ne montre que le vêtement. Il me faut du théâtre, une fête”. Sa boutique à Carouge était un écrin sobre pour ses collections d’une sophistication zen, ne la cherchez pas, une galerie d’art a pris possession des lieux.

Lorsque vous vous promenerez dans la salle 4, prenez le temps de vous asseoir et de regarder les courts reportages sur Christa de Carouge… vous découvrirez combien la Dame en noir rayonnait de joie de vivre et de générosité et qu’au-delà de son apparence “austère”, l’habit ne faisait pas le moine pour Christa : “Il faut d’abord s’aimer. Ensuite choisir ce qu’on porte avec amour. Je m’habille pour aimer mon vêtement, je le soigne et je le porte jusqu’à l’usure”. Quelle belle déclaration d’amour à sa créativité!

Nous tenons à remercier les commissaires de l’exposition, Klara Tuszynski et Géraldine Glas pour leur accueil chaleureux au Musée de Carouge, leur disponibilité et les informations précieuses qu’elles nous ont fournies en vue de cet article.

Christa de Carouge

Musée de Carouge

Place de la Sardaigne, 2

1227, Carouge, Suisse

Mar-Dim : 14h – 18h

tel : +41 (0)22 307 93 80

mail : musee@carouge.ch