Par Virginie Hours – novembre 2016

«  Il n’y a pas besoin d’être un artiste pour bénéficier des séances d’art-thérapie, l’art-thérapie s’adresse à tout le monde!» nous explique Marie Lanier-Pazziani, art-thérapeute au Service d’Enseignement Thérapeutique pour Maladies Chroniques des HUG.

Ayant obtenu une licence de psychologie à l’Université de Genève, celle-ci rencontre par un heureux « hasard » une art-thérapeute qui lui parle de ce qui lui apparaît comme le « point de rencontre entre le monde artistique et celui de la psychologie ». Elle-même passionnée par la peinture et le dessin mais purement autodidacte, elle décide de suivre une formation de 4 ans à l’Ecole d’Études Sociales et Pédagogiques de Lausanne et obtient son diplôme HES d’art-thérapeute.

« La création est un moyen d’expression hyper naturel que nous avons pu oublier et qui nous permet de nous connecter en entier avec tout notre corps. C’est une porte d’entrée vers soi-même. Le processus de création est un mouvement allant de l’intérieur vers l’extérieur, qui mobilise le sujet tout entier, tant au niveau de son corps, ses sensations, que de ses émotions et ses pensées »  complète Marie Lanier-Pazziani qui aime à citer Donald Winnicott : « La créativité réenclenche le mouvement et mobilise l’élan vital (…). Elle donne à l’individu le sentiment que la vie vaut la peine d’être vécue « .

A nous de réenclencher un mouvement naturel… Ce qui n’est pas toujours évident quand on a l’angoisse de la page blanche.

Quelles sont les « règles » qui peuvent nous y aider ?

  • S’approprier un lieu pour se sentir en confiance.
  • Avoir du temps pour soi-même, avoir le luxe de ralentir le rythme, de ne pas se dépêcher.
  • Venir comme on est : aucun prérequis artistique ou esthétique n’est exigé.
  • Être bienveillant envers soi-même, accepter qu’il n’y ait pas de juste ou de faux.
  • S’autoriser à faire des expériences afin de sentir de mieux en mieux ce qu’il nous faut.

L’art-thérapeute n’interprète pas la création, mais il accompagne, constate, peut-être questionne pour approfondir, pour élargir. Il est un «témoin bienveillant ».

L’art-thérapie, pour qui ?

Pour toute personne rencontrant des difficultés psychologiques, physiques ou sociales : dépression, deuil, crise, anxiété, stress, troubles du comportement alimentaire, maladies chroniques.

Lorsque la personne a des difficultés à s’exprimer verbalement ou a peu accès à ses sensations et émotions.

Pour toute personne désireuse de mieux se connaître et de faire évoluer ses potentiels.

L’art-thérapie se pratique en séance individuelle ou en groupe, à toutes les étapes de la vie du jeune enfant à la personne âgée.

Des ateliers d’art-thérapie ouverts à tous :

Parallèlement à son travail au HUG, Marie Lanier-Pazziani propose des ateliers d’art-thérapie pour un public plus large, vus comme des ateliers de développement personnel dans le cadre du Service Social Santé et Enfance de la ville d’Onex. En groupe, à travers trois modules de 8 séances, elle propose à chacun d’explorer son monde intérieur en puisant dans la large palette des matériaux à disposition : peinture, craies, fusain, crayons, argile, collages, etc… L’idée est de s’enrichir, de mieux se comprendre et de prendre conscience de sa valeur et de ses ressources en retrouvant le plaisir de créer de ses mains et de jouer avec les matières.

Elle propose toujours un atelier découverte à ceux qui sont intéressés car il est important de voir et de ressentir avant de se décider.


Si ces ateliers vous intéressent, vous pouvez contacter Marie Lanier-Pazziani  par mail  laniermarie@gmail.com

Prochains ateliers à Onex : 20 janvier-24 mars 2017 sur le thème « Mon Arbre de vie »


L’art-thérapie venue des USA, est apparue en Europe dans les années 1980. Pourtant, le fait d’utiliser la création comme un moyen de se reconstruire n’est pas si récente et la notion même d’art-thérapie apparaît dans les années 1945.

L’art-thérapie est une pratique de soin qui utilise l’expérience créative comme moyen d’expression et de connaissance de soi. Elle offre la possibilité de s’exprimer autrement que par les mots en découvrant une nouvelle manière de se raconter et de se rencontrer par l’intermédiaire de la création.

Dans l’antiquité déjà existait l’idée que l’art avait une vertu curative puisque les écrits des grands philosophes tels que Platon fournissent des réflexions sur les vertus curatives de l’art : la musique qui apaise l’âme humaine, les vertus cathartiques du théâtre.

Les débuts de l’art-thérapie sont liés à l’histoire de la maladie psychiatrique et de sa prise en charge : au cours du XIXème siècle, on comprend que l’art peut distraire de la folie et dans les maisons d’aliénés, le personnel soignant commence à donner du matériel créatif aux patients dans l’idée de les calmer et de les occuper, tout en notant un effet positif sur eux. Puis, à la fin du XIX et au cours du XXème siècle, on s’intéresse de plus en plus aux productions arts plastiques des pensionnaires qui sont vues comme l’expression des symptômes et servent d’éléments de décryptage de ces symptômes. On parle de psychopathologie de l’expression.

Par la suite, certains collectionneurs se sont intéressés à ces productions, à l’image du musée de Charles Ladame à la clinique de Bel-Air à Genève ou d’Hans Prinzorn dont la collection d’art psychopathologique de la clinique de Heidelberg, datant des années 1920, a préfiguré l’art brut en étant une source d’enthousiasme et d’inspiration pour des peintres comme Paul Klee, Max Ernst ou Dubuffet. Avec eux, l’art devient un moyen d’exprimer et de revendiquer et non plus simplement de distraire. Peu importe l’absence éventuelle de formation artistique de l’auteur ! D’ailleurs, les artistes du mouvement surréaliste André Breton et Dubuffet fondent en 1940 la Compagnie de l’Art Brut et constituent une collection que l’on peut aujourd’hui visiter au Musée de l’Art Brut de Lausanne.

Parallèlement, la psychiatrie va évoluer et utiliser l’art comme un moyen de comprendre les malades, sans pour autant entrer dans une interprétation symbolique des dessins puisque chacun a sa propre symbolique. Il s’agit pour le médecin de s’interroger avec les patients sur ce qu’ils ont dessiné et d’en discuter pour ouvrir le champ des possibles. C’est ainsi que le monde de la psychiatrie infantile contribue au développement de l’art-thérapie car le langage verbal introspectif étant impossible avec les enfants, il a été nécessaire de faire appel aux langages non verbaux (plastique, musical, corporel). Ainsi, Mélanie Klein a beaucoup étudié les dessins spontanés des enfants dans lesquels elle a pu découvrir un matériel capable de communiquer des messages significatifs au niveau émotionnel et symbolique. Le psychiatre britannique Donald Winnicott a aussi utilisé la création et a mis au point la technique du « Squiggle », sorte de jeu créatif projectif que patient et thérapeute font ensemble.

C’est donc aux Etats-Unis qu’un artiste, Adrian Hill, introduit le terme d’art-thérapie dans son ouvrage publié en 1945, L’art contre la maladie. Une histoire d’art-thérapie.