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©ChristianCoigny, Saint-Saphorin, 1989

Bythelake aime l’image et la photographie en particulier. Nous nous mettons un point d’honneur à illustrer au mieux chacun de nos articles, et cela n’est pas toujours tâche facile! C’est en cherchant sur le web une galerie ou institution dédiée à la photographie dans la région lémanique, qu’est apparue l’existence de la Fondation Auer Ory, basée à Hermance (jolie bourgade dont la particularité est d’être une enclave suisse sur le sol français!).

En cliquant sur leur site internet, nous découvrons alors une véritable mine d’or en matière de photographie. Mais qui est à l’origine de cette institution ? Depuis combien de temps existe t’elle ? Que s’y passe t’il ? Court flash back sur l’historique : un couple de collectionneurs, Michel et Michèle Auer, que leur passion a réuni depuis plus de 40 ans, crée la Fondation en 2009, à Hermance. La collection se compose d’environ 55 000 photos originales, 26 000 livres, 800 appareils, 2000 caricatures et bien d’autres objets relatifs à la photographie! Les Auer portent la Fondation à bout de bras, car c’est un travail quotidien, chacun dans leur domaine qui a permis la création et la survie jusqu’à ce jour de cette Mecque de l’image! La richesse de leurs connaissances en la matière les place à un niveau incomparable en Suisse comme à l’étranger.

La Fondation est devenue un lieu idéal d’expos, échanges, découvertes, éditions d’ouvrages, et même la base de l’Encyclopédie internationale des photographes, mise à jour quotidiennement par Michèle Auer! Tout cela a un coût comme toujours et ces derniers mois, M & M avaient dû renoncer à exposer en raison d’une pression financière trop pesante.

©Christian Coigny, Piscine de Villeneuve, 1997

Mais heureusement pour nous, leur caractère passionné et combatif les pousse à relancer la machine avec l’accrochage des oeuvres noir et blanc du très célèbre Christian Coigny! Il ne nous en faut pas plus pour les contacter et nous rendre au vernissage de l’exposition, très enthousiaste à l’idée de rencontrer l’artiste suisse. Direction Hermance en cette fin d’après-midi d’été, ensoleillée. On longe le lac Léman en continu, plutôt agréable! Et nous y voilà, la Fondation se niche dans le haut du village. Les Auer nous accueillent chaleureusement, et le courant passe bien. “Vous cherchez l’artiste ?” me lance Michèle Auer, Coigny pose dans le jardin pour une jeune photographe préparant un reportage pour un magazine biannuel dont il sera la vedette! En attendant quelques lignes sur sa biographie.

Né à Lausanne en 1946, Christian Coigny se passionne très tôt pour la photographie… En 1965, le jeune homme s’achète avec son argent de poche le Contax du très grand Ernst Haas! De nature curieuse, il voyage à droite, à gauche, peu intéressé par les études, il intègre l’Ecole de photographie de Vevey. Tentative avortée, cet autodidacte par excellence décide de voler de ses propres ailes et part vivre à San Francisco, en 1969, où il étudie la photo publicitaire et la nature morte. Il y découvre aussi les grands peintres américains, tels que Edward Hopper, Georgia O’Keeffe, Andrew Wyeth, dont l’influence indéniable transparaît depuis lors dans son travail. Très vite, la mise en scène devient indispensable à la construction de l’image pour l’artiste. “A San Francisco, au lieu de fréquenter les hippies et les bougies du Golden Gate Park, j’ai bossé comme un fou et appris le métier de la pub” dit cet indépendant par nature.

Il n’aura de cesse de se détacher de tout mouvement ou de toute influence photographique pour rester fidèle à son “essentiel”. Les campagnes de pub s’enchaînent, Lewis en 1973, le Brésil en 1974. Les magazines de mode s’enthousiasment pour son travail (Desfile, Claudia, Annabelle). En 1976, Coigny, nostalgique, s’installe sur la région lémanique où sa carrière prend un essor considérable avec les commandes pour des marques telles que Matra communications, Bon Génie Grieder, Vichy, Baume & Mercier, Vogue Allemagne, la liste est longue! Autre grand succès, sa galerie de portraits noir et blanc réalisés pour le fabricant de meubles design Vitra…Intitulée “Tous assis”, la campagne de pub (10ans) lui permettra de photographier des stars comme Audrey Hepburn, Jean Nouvel, Maurice Béjart, Ringo Starr, Miles Davis, Roy Liechtenstein, Martin Scorsese…on ne citera pas les 130!

Mais Coigny, ce n’est pas que la photo de pub, il y a aussi ( et c’est le thème de cette expo) son travail personnel en noir et blanc sur le nu, la nature morte, le paysage. Il ne travaille qu’en argentique, car depuis toujours, il existe entre lui et l’appareil un rapport sensuel. Coigny est un sensoriel, son regard désirant posé sur les femmes le prouve photo après photo…le galbe d’une jambe, le grain de peau, l’érotisme d’un nu travaillé comme une nature morte. L’artiste ne laisse rien au hasard, tout est pensé, millimétré, chronométré même pour la lumière juste. Et pourtant, il arrive à nous faire croire le contraire, et le naturel domine dans l’image mise en scène. Il dit “aller au rendez-vous avec l’inspiration, le génie”, provoquer le moment magique pour la photo! Une fois que l’image est dans la boîte, vient le moment du laboratoire, ce lieu magique où il adore s’isoler, et tel un alchimiste manipule ses films, trie ses prises de vue, jusqu’à ce qu’apparaisse la “pépite”, la belle photo, celle qui le met en paix avec lui-même, comme il le répète souvent.

Après un premier tour de l’accrochage, c’est enfin la rencontre avec Christian Coigny, tout sourire, le regard bleu pétillant derrière ses célèbres lunettes au design particulier…Présentation faite, la discussion avec le célèbre photographe est décontractée et il semble ne pas se lasser en répondant aux sempiternelles questions sur son travail et son parcours. Il commente certaines de ses photos et avoue qu’il n’y a rien d’intellectuel dans son approche, que ses photos ne portent aucun message en particulier. Sans aucun doute la raison pour laquelle, elles ne se démodent pas, sont intemporels. Les photos exposées ont été sélectionnées par l’artiste selon deux critères : l’affectif et l’esthétique : “Je ne photographie que ce que j’aime voir, souvent sous le coup d’une stimulation générée par mes souvenirs d’enfance”. Elevé dans une famille bourgeoise protestante, dans laquelle moralité et responsabilité étaient les maitres mots, un père avocat et une mère, dont la beauté fascinante a engendré son amour des femmes. La Fondation expose principalement des nus qu’on ressent comme une des obsessions de Christian Coigny : “mes nus ne sont que le déguisement de mes désirs”. Rien de vulgaire, rien d’obscène dans ces corps dévoilés, et comme c’est doux et rassurant ce regard d’homme sur la femme de nos jours!

@ChristianCoigny_L’indifférence_1998

Les photographies exposées à La Fondation Auer Ory sont à la vente (la liste est à la demande). Le choix serait cornélien si l’acquisitiion était une option pour nous, il faut l’avouer. Le regard classique et sensuel de Christian Coigny laisse peu de monde indifférent car il nous ouvre les yeux sur un monde de beauté tel qu’il le voit depuis le début de sa carrière. “Une image vaut mille mots” dit-on, la preuve se trouve dans le livre vendu à la Fondation, et qui porte le nom de Christian Coigny : 3 pages d’avant-propos et puis une multitude de photos, mêlant portraits, nus, paysages et natures mortes. Sans commentaires!

Vous découvrirez également, lors de votre visite, les vitrines présentant la collection inestimable d’appareils photos (environ 500), que les Auer ont acquis au fil du temps. Alors, si comme nous, vous êtes curieux et amoureux des belles images, l’exposition Christian Coigny à la Fondation Auer Ory est à noter sur la liste de vos prochaines sorties.

Christian Coigny photographies

du 13 septembre au 15 novembre 2018

Fondation Auer Ory pour la photographie

Rue du couchant, 10

1248, Hermance, Suisse

Ouvert au public sur rendez-vous, entrée gratuite

tel : +41 (0)22 75127 83

mail : auer@auerphoto.com

Nicolas de Staël Agrigente, 1954 Huile sur toile, 60 × 81 cm Collection particulière/ courtesy Applicat-Prazan, Paris Photo Annik Wetter © 2023, ProLitteris, Zurich