Claire-Alice Brenac/Sabine André-Février 2016

« Quand on est seul avec la nature, tout est plus fort. »

Port de Morges, cadre magnifique entre lac et montagne, plein de sérénité et de beauté, lieu idéal pour un tel rendez-vous. De retour d’une expédition extrême en Arctique, Vincent Munier dévoile à la Galerie Midnight Sun de Morges ses photos d’animaux polaires fascinantes d’émotion. Autour d’un café matinal, les mots sont posés, calmes, parfois comme un murmure, celui de l’affut pendant lequel l’homme s’efface… Suivons-le dans la forêt ou sur la banquise… Moteur!

Bythelake: d’où viens cette envie, ou même ce besoin, de photographier le monde animal dans son élément ?

Vincent Munier: Mon enfance dans les Vosges m’a forgé et explique ce que je suis aujourd’hui. Depuis tout gamin, je suivais mon père dans les montagnes, apprenant à camper, à me débrouiller en pleine nature. Il était surtout passionné par une espèce d’oiseau inféodée à cette vieille forêt : le Grand Tétras. Il a passé sa vie à chercher des traces pour tenter de le protéger. Comme lui je suis dans une quête, repoussant toujours plus loin ce besoin viscéral de rencontrer le monde sauvage.

Dès que j’ai eu la possibilité d’aller seul un peu plus loin avec une voiture, je suis parti… D’abord dans les pays de l’Est, la Roumanie, les Carpates, pour voir la nature à une autre échelle, une échelle qui donne une certaine magie à la forêt… L’expérience est plus riche.  Et comme mon père, j’étais fasciné par un oiseau, la Grue Cendrée.  Suivre leur migration a aussi été un de mes premiers voyages:  j’avais 18 ans et je les ai accompagnées de la Scandinavie jusqu’en Espagne. Cette découverte de la Scandinavie a été déterminante:  cela m’a donné l’envie d’aller encore plus au nord, vers les endroits où il n’y a plus d’hommes. Quand on est seul avec la nature, tout est plus fort.

BTL:  Dans vos photos on ressent l’émotion et la magie de ce que vous vivez à cet instant. C’est quelque part cette touche Vincent Munier : une rencontre … 

VM: L’expérience avec mon père a été un apprentissage. Aujourd’hui dès que j’arrive dans la taïga ou la toundra,  je suis hyper-concentré, je rentre dans la peau d’un animal sauvage: j’écoute, j’observe, je lis les traces… Tous mes sens sont en éveil et j’essaie de ne pas déranger pour m’approcher le plus possible et mettre en avant l’animal, tel qu’il est dans son élément. Le fait d’être seul, de n’avoir aucun échange avec un autre humain permet aussi de fonctionner à l’instinct, l’approche et la rencontre avec un animal sauvage est quelque chose de très personnel…

Sur la banquise très au nord, les rencontres sont rares, il y a peu de vie et il peut se passer plusieurs jours sans rien voir… Quand il y a un contact, les animaux ne s’enfuient pas: dans ces régions où personne ne vient jamais chasser, la peur de l’homme n’existe pas… Alors ils sont parfois un peu curieux, viennent vous voir ou au contraire complètement indifférents… Lorsque j’ai enfin aperçu les loups blancs en Arctique, la meute est venue vers moi par curiosité. Je les attendais depuis tellement longtemps, j’étais euphorique, j’avais des sanglots dans la gorge… Le boitier était prêt, sur un trépied, j’ai cadré déjà pour vérifier, pour voir que c’était bien eux, ils étaient trop nombreux cela ne pouvait pas être des ours…  Ils sont venus jusqu’à moi, les plus jeunes m’ont touché…  Ils m’acceptaient tellement, je n’ai eu qu’à  appuyer pour faire ces images…

BTL:  Comment s’organise un affut et le travail de photographie par – 40° ?

VM: Evidemment c’est extrêmement difficile car je dois transporter l’ensemble du matériel, mes objectifs sont très lourds, les nombreuses batteries, l’essence, ma nourriture pour 3 ou 4 semaines, les panneaux solaires, la tente. Je parcours en général une dizaine de kilomètres par jour. Je ne peux pas en faire tellement plus, mon traineau est bien trop lourd. Je suis totalement seul, sans aucune assistance. Je reconnais que mes expéditions sont extrêmes, je me mets vraiment en danger. C’est aussi en partie pour cette raison que je pars seul. Je n’ai que moi à gérer.

A mon dernier séjour, j’ai eu -47° et là c’était limite!  En dessous de -40° le gaz ne fonctionne plus, il faut que je colle la bouteille au moins un quart d’heure sur mon corps pour le réchauffer et pouvoir l’utiliser. Pour les batteries des appareils c’est la même chose, je les garde collées à moi… D’ailleurs les appareils marchent une fois sur deux, alors j’ai plein d’images qui restent gravées dans ma tête mais qui ne sont pas sur le papier. Je suis la seule source de chaleur finalement et pour me réchauffer moi-même, je mange beaucoup de graisse mais aussi je m’active: dès que je sens que j’ai des soucis aux pieds, que ça pique, je fais le tour de ma tente pour fluidifier le sang, ou je me donne un but: je vais jusqu’à l’iceberg et je reviens, ou parfois même ça m’arrive de danser!

BTL:  Vous mettez en avant la beauté des animaux sauvages. Vous voyez-vous comme un artiste?

VM: Evidemment c’est extrêmement difficile car je dois transporter l’ensemble du matériel, mes objectifs sont très lourds, les nombreuses batteries, l’essence, ma nourriture pour 3 ou 4 semaines, les panneaux solaires, la tente. Je parcours en général une dizaine de kilomètres par jour. Je ne peux pas en faire tellement plus, mon traineau est bien trop lourd. Je suis totalement seul, sans aucune assistance. Je reconnais que mes expéditions sont extrêmes, je me mets vraiment en danger. C’est aussi en partie pour cette raison que je pars seul. Je n’ai que moi à gérer.

A mon dernier séjour, j’ai eu -47° et là c’était limite!  En dessous de -40° le gaz ne fonctionne plus, il faut que je colle la bouteille au moins un quart d’heure sur mon corps pour le réchauffer et pouvoir l’utiliser. Pour les batteries des appareils c’est la même chose, je les garde collées à moi… D’ailleurs les appareils marchent une fois sur deux, alors j’ai plein d’images qui restent gravées dans ma tête mais qui ne sont pas sur le papier. Je suis la seule source de chaleur finalement et pour me réchauffer moi-même, je mange beaucoup de graisse mais aussi je m’active: dès que je sens que j’ai des soucis aux pieds, que ça pique, je fais le tour de ma tente pour fluidifier le sang, ou je me donne un but: je vais jusqu’à l’iceberg et je reviens, ou parfois même ça m’arrive de danser!

Midnight Sun Gallery

Rue Louis-de-Savoie, 80

1110 Morges, Suisse

tel: +41 (0)21 803 59 23