Lire Lolita à Téhéran , sur grand écran : comment résister autrement
Virginie Hours – Avril 2025
L’histoire :
1979 : Azar Nafisi (Golshifteh Farahani) et son mari Bijan (Arash Marandi) décident de quitter les Etats-Unis. Le Shah d’Iran vient d’être renversé et ils veulent participer à la construction du pays. 1980 : Le désenchantement commence. Professeur de littérature anglaise à l’université de Téhéran, Azar Nafisi est rapidement la cible des fondamentalistes qui, peu à peu, noyautent la société. A la demande de plusieurs élèves, elle décide de résister autrement : une fois par semaine, elles se retrouvent discrètement dans son salon pour évoquer un livre et parfois, confronter les écrits à leur réalité. Est-ce que ces réunions vont suffire à leur donner le goût de l’espoir ?
« Lire Lolita à Téhéran » d’Eran Riklis
Avec Golshifteh Farahani, Mina Kavani Zar Amir Ebrahimi et Arash Marandi
Date de sortie Suisse : 2 avril 2025
Date de sortie France : 26 mars 2025
Une histoire vraie
De nombreux films ont déjà été réalisés autour du pouvoir libérateur que l’on attribue aux livres. Il suffit de se rappeler Farenheit 451, de François Truffaut, 1984 de Michael Radford ou Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates de Mike Newell. Leur autre point commun ? Ce sont des adaptations d’œuvres littéraire. Il en est de même pour Lire Lolita à Téhéran qui fut un grand succès de librairie à sa sortie en 2003. Azar Nafisi, à présent en exil aux Etats-Unis, y racontait sa propre histoire. Aujourd’hui, ce fim se fait l’écho du mouvement plus récent « Femme, Vie, Liberté » et ce n’est certainement pas un hasard s’il se termine avec l’hymne du soulèvement iranien de 2022 « Baraye ».
De la difficulté de résister
« Les livres sont faits pour nous incommoder » répond Azar Nafisi à ses étudiants barbus qui protestent contre l’immoralité de certains personnages littéraires lors d’un de ses cours. L’histoire est ainsi racontée par étape, suivant quatre livres emblématiques qui suivent les réflexions et les tourments des lectrices clandestines : Gatsby le magnifique de F. Scott Fitzgerald, Lolita de Vladimir Nabokov, Orgueil et préjugés de Jane Austen, Daisy Miller d’Henry James et La coupe d’or du même auteur. Car au-delà du cercle littéraire, le film se concentre davantage sur la personnalité même d’Azar Nafisi, son envie de résistance du début, ses doutes et ses peurs, sa rencontre avec un autre professeur de littérature qui l’encourage à ne pas sombrer…
Le réalisateur israélien Eran Riklis aime raconter l’histoire des femmes qui font face à leur destin (Les Citronniers, La Fiancée syrienne). Bien que la réalisation soit plutôt classique, il parvient de nouveau à nous faire sentir comment une société peut broyer l’individu par petite touche. Le mari Bijan, malgré toute l’affection qu’il a pour son épouse, ne comprend pas ses angoisses. Comme vivant dans un monde parallèle, il ne prend pas la mesure de la pression que fait peser le système des mollahs sur les femmes, et propose ingénument de faire appel à un avocat pour défendre l’une des élèves…
L’actrice iranienne Golshifteh Farahani porte avec brio le film sur ses épaules. Partie elle-même en exil en 2008, elle incarne l’espoir déçu, Elle est parfaitement entourée de Mina Kavani (Aucun ours, de Jafar Panahi) et Zar Amir Ebrahimi (Tatami de Guy Nattiv et Zar Amir Ebrahimi) dans le rôle des étudiantes qui s’efforcent de résister par n’importe quel moyen.
Un film délicat et toujours d’actualité.
Le film a obtenu au Festival international de film de Rome le prix du jury et le prix spécial du casting.