Virginie Hours
© Maire / Glénat
Stéphane Maire, alpiniste et photographe, vient de publier un nouveau livre de courses intitulé « Alpes Suisses, les plus belles courses-Rocher, neige, glace et mixte. » Pour lui qui déteste la précipitation, les maître-mots sont beauté et contemplation.
Portrait d’un esthète de la montagne.
Comment tout a commencé…
Ce valaisan est venu relativement tard à la montagne et presque par hasard puisque c’est vers l’âge de dix-huit ans et alors qu’il vivait du côté de Bex environné de montagnes mais sans l’envie de les gravir, qu’il se décide. Son frère lui raconte qu’un de leurs amis a grimpé en haut d’un sommet qui lui semblait inaccessible. Il se décide alors à « aller voir », d’abord en se rapprochant le plus possible jusqu’à deux mille mètres d’altitude en mobylette, puis en continuant à pied. Il découvre un sentier, se décide à continuer de grimper et puis en arrivant au sommet au sortir d’une cheminée, il ressent un coup au cœur, l’émerveillement face au panorama magnifique. « Ce fut la révélation » raconte-t-il. « C’est ce qui m’a marqué et poussé à continuer. » Il ne s’arrêtera plus.
© Maire / Glénat
Ses modèles
N’ayant pas eu la passion de la montagne jeune, il ne pense pas avoir eu comme héros ou modèles des montagnards écrivains tel Lionel Terray même s’il a beaucoup lu de récits par la suite. « Mais certains alpinistes m’ont influencé à l’image de l’italien Walter Bonatti et bien qu’il ait surtout grimpé dans le massif du Mont Blanc et ne se soit attaqué au Cervin qu’à la fin de sa vie d’alpiniste extrême» reconnaît-il. En revanche concernant la photographie, il n’hésite pas et cite Gaston Rebuffat pour sa manière de prendre des photos en montagne. Car il partage avec lui la même passion qu’il explique ainsi : « j’avais le sentiment qu’il me fallait à tout prix ramener des souvenirs de ces paysages extraordinaires qu’il m’était donné de contempler… » Ses clichés illustrent son livre et le vocabulaire même qu’il utilise pour décrire les circuits emprunte d’abord à cet univers. « Tournons notre regard vers les faces… »
© Maire / Glénat
La genèse et l’esprit du livre :
Pour son livre de 2008, il fait appel à ceux qui selon lui, sont les plus à mêmes de juger les plus belles courses : les guides de haute montagne. Il demande alors à plusieurs d’entre eux de lui donner leur palmarès de leurs courses préférés et il travaille par recoupement. Dix ans plus tard, il choisit lui-même les courses qui figurent dans le livre, en veillant à un panachage entre cantons même si une grande majorité d’entre elles se trouvent dans les Alpes bernoises. « J’en cite des incontournables même si elles sont peu pratiquées depuis que le réchauffement climatique les rend plus difficiles ou que les conditions de grimpe ont évolué. Par exemple, j’évoque la Jungfrau qui est la course la plus incertaine de cette sélection » explique-t-il. Mais pour lui, le critère principal de choix reste le même : la beauté même s’il tient à préciser qu’il n’a pas toujours choisi les courses les plus belles en terme de panorama mais en terme de voie.
En revanche, il ne pourra pas citer un itinéraire préféré parmi les soixante-seize décrits dans son livre. « C’est très difficile » admet-il « car tout dépend des souvenirs qui s’y raccrochent… »
Son envie de partager :
« Pendant dix ans, j’ai été enseignant dans une école privée où les enfants faisaient du ski tous les après-midi l’hiver et des randonnées avec des guides l’été. Mais aujourd’hui, les élèves sont moins intéressés » regrette-t-il. « J’ai évoqué avec certaines classes la sortie du livre et ils ont surtout été étonnés d’apprendre que leur prof avait une autre vie en dehors de l’école. Mais c’est tout. » Quant à ses enfants, il leur laissera le choix même s’il les emmène en voyage ou un peu en randonnée. « Et s’ils n’accrochent pas, ce n’est pas grave » conclue-t-il sagement. « Mais s’ils aiment, alors je sais que comme je connaitrais les risques qu’ils courent, je pourrai être inquiet… »
© Maire / Glénat
Son regard sur l’évolution de l’Alpinisme :
Lorsque son premier livre a été publié en 2008, un libraire de Chamonix lui a déclaré qu’il arrivait trop tard, que l’alpinisme était une pratique terminée… Il ne le croit pas mais reconnaît qu’elle a évolué. Avec le réchauffement climatique, le niveau de difficulté des courses mixtes et de neige n’augmente pas mais les conditions changent notamment par rapport aux glaciers. Par ailleurs et compte tenu d’un état d’esprit de plus en plus sécuritaire, une majorité de gens aiment effectivement un alpinisme encadré et facilité par des voies ultra équipées mais il en reste de nombreux qui aiment la beauté de l’ascension. Et si certaines voies, comme l’ascension du Mt Blanc par la voie du Goûter, sont très fréquentées l’été, d’autres sont délaissées comme le montre n’importe quel examen des topos de montagne. C’est pourquoi dans son livre, Stéphane Maire a voulu remettre certaines ascensions en avant comme celle du Fusshörner ou du Mönch.
Sa course parfaite :
Pour la décrire, Stéphane Maire nous demande de fermer les yeux et nous évoque une sortie « en automne, avec une belle lumière, un éclairage de lune, une voie dans les bonnes conditions, en solitaire, un vol de gypaetes, un sentiment de sérénité, une belle cordée, une sortie longue mais pas trop pour bien en profiter car je ne suis pas pour la rapidité. Avoir le temps de profiter de la voie, aucun orage à l’horizon et aucun train à prendre… Et puis, un bel accueil en cabane avant. »
© Maire / Glénat
Le livre :
Inspiré par le regard d’autres esthètes comme celui de Gaston Rebuffat, ce livre comblera aussi bien les amateurs de magnifiques photographies de montagne que les alpinistes qui seront séduits par la qualité des descriptions, le choix des itinéraires et la précision des données. En particulier, Stéphane Maire a choisi de nombreux itinéraires en traversée, ce qui est particulièrement intéressant.
Avec le réchauffement climatique, ce livre est également enrichissant car il porte un regard nouveau sur des courses dont les conditions de pratique ont évolué et qui ne sont plus les mêmes qu’il y a trente ou quarante ans. On sent également le plaisir de l’enseignant qui aime transmettre sans imposer… Enfin à travers ces soixante-seize courses, c’est une invitation à re-découvrir toutes ces Alpes Suisses : Alpes vaudoises, Alpes valaisannes, Alpes bernoises, Alpes uranaises, Alpes lépontines et Alpes grisonnes.
Un livre à s’offrir ou à offrir.
« Alpes Suisses, les plus belles courses – Rocher, neige, glace et mixte» de Stéphane Maire (Editions Glénat)
© Maire / Glénat