« Le temps est maussade, l’eau de couleur grise… Les 1200 inscriptions pour la traversée de la Rade ont trouvé preneurs en 10 minutes. Moment de déception… Il nous faut une motivation qui fleure bon le soleil et l’envie. Et si nous faisions la traversée du Léman à la nage ? me demande mon mari alors que nous buvons une bière consolatrice près du jet d’eau. J’ai un moment de doute. Si la traversée de la Rade fait 1,8 kilomètres entre Genève-Plage et les Pâquis et est très accessible, celle entre Nyon et Yvoire fait 7 kilomètres et me semble beaucoup plus exigeante. N’y aurait-il pas un compromis ?
Swann Oberson, nageuse olympique, organise une traversée encadrée de la Pointe à la Bise à Genthod. Il s’agit de nager près de 3 kilomètres, tôt le matin afin d’éviter le passage des bateaux. Elle s’occupe de tout : nous sommes suivis par un bateau et un paddle pendant toute la traversée et le retour est prévu en bateau.
Chiche, on nage !
La date est fixée, rendez-vous un samedi à 8h30 à la plage près du camping de la pointe à la bise. Quelques semaines avant, mon mari prend deux cours avec Swan Oberson pour s’acclimater à la nage en eau libre. Pour ma part, j’ai fait 10 ans de natation plus jeune et compte sur mes acquis… Néanmoins, deux semaines avant la traversée, je soulève des altères tous les matins pour muscler les bras, je trottine aux abords de l’eau et je monte le plus d’escaliers possibles. Le temps restant maussade, la température de l’eau est fraîche pour la saison. Swann Oberson nous demande d’acheter une combinaison en néoprène ainsi qu’une bouée de nage et de porter de préférence un bonnet. Il faut se méfier du froid même si la température de l’eau est à 21°C. Nous testons la combinaison la veille de la traversée, au-milieu des vagues, le long de la digue près du débarcadère de Genève-plage. Pas si facile de nager face au courant. Je commence à redouter.
Le matin même, le ciel est pur, le soleil brille et la surface du lac est lisse comme un miroir.
Nous sommes trois à relever le défi. L’autre compagnon de nage s’entraîne pour des triathlons ; pour lui, c’est donc une traversée test avant une épreuve dans le sud de la France. Il part le premier, suivi du bateau.
Swann nous donne quelques conseils : aller à notre rythme, prévenir dès qu’on ne se sent pas bien. Cette traversée doit être du plaisir… Nous avons comme tâche de garder le cap et de toujours nager vers un repère visible de l’autre côté du lac, un bouquet d’arbre. J’ai décidé de nager en brasse coulée. Cette nage me permet de me repérer facilement et de nager de façon régulière. Nous entrons dans l’eau… et c’est parti ! Swann pagaye à nos côtés et nous encourage régulièrement. L’eau est douce, la surface est lisse, nous sommes comme seuls au monde. Par moment, je m’arrête pour le simple plaisir d’apprécier la lumière et cette sensation d’être au-milieu d’un miroir. La fatigue commence à se faire sentir mais je me sens bien, et surtout en sécurité. Peu à peu la rive opposée se rapproche, le contour des arbres se fait plus précis, un port se dessine. Mon mari doit s’arrêter à cause du froid. Je continue en m’appliquant toujours à garder un rythme régulier…
Pour terminer, je dois viser une petite plage qui se trouve à côté des bateaux. Quand je l’atteins, je me sens fatiguée, les membres sont douloureux.
1h17.
J’ai un sentiment de plénitude, heureuse d’avoir vécu un moment privilégié.
Le trajet en ligne droite… si on peut !
Virginie Hours – Mai 2025
Paroles de Swann, championne olympique de nage en eau libre
« Dans la région, nous bénéficions d’un magnifique terrain de jeu : le lac. Mais comment faire vivre l’expérience de la nage en eau libre de manière sécuritaire ? Avec cette envie de partager ma passion, j’ai décidé d’organiser la traversée du lac en petit comité.
La distance de 3 kilomètres est parfaite. Elle permet de vivre la pratique de la nage en eau libre de manière plus réelle, dans les vraies conditions. C’est réalisable pour la plupart des gens tout en restant un défi à relever : se retrouver au-milieu du lac, là où l’eau est sombre, où on n’a plus pied, peut être dérangeant. C’est un milieu qui peut paraître hostile.
Par ailleurs, il faut savoir s’orienter. On peut se sentir perdu, contrairement à la piscine où tout est balisé. Cette notion fait aussi partie de la discipline.
Je souhaite que chacun vive cette traversée comme un moment pour soi. Ce peut être l’objectif de l’été, un moyen d’avoir le sentiment d’un grand accomplissement. Et dans un décor magnifique… »
Et si on lisait ?
« Héros et nageurs » de Charles Sprawson, pour celles et ceux qui ont envie de se plonger dans l’histoire de la nage en eau libre, de Lord Byron à l’école japonaise…
Savez-vous quel est le point commun entre Goethe, Pouchkine et Gide ? Ils étaient de fervent nageur, tout comme Charles Sprawson l’auteur de ce livre passionnant. Adorant à la fois la littérature et la natation, ce marchand d’art nous transporte dans l’histoire de la discipline. Il nous raconte aussi bien le mélange de fascination et de crainte que l’eau exerce sur nous depuis l’Antiquité que le bonheur de se sentir en communion avec l’élément. Très ludique et détaillé, le livre nous fait découvrir les différentes écoles de nage aussi bien américaine que japonaise ou allemande, et nous présente cette discipline comme un nouvel art de vivre.
Un livre à mettre sur sa table de chevet pour tout passionné.
« Si bien des gens en Angleterre, pratiquaient la natation pour les besoins de la compétition ou du délassement, pour certains elle était devenue une obsession, un goût pressant et compulsif qui pouvait les stimuler nerveusement et les transporter, selon la formule de Swinburne, vers « une autre forme de vie ».
« Héros et nageurs » de Charles Sprawson, Edition Nevicata.
Envie de se faire plaisir ?
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