Virginie Hours – septembre 2021
« Nous désirons que le cinéma nous ouvre une porte sur le monde de l’inexplicable » écrivait le réalisateur danois Carl Dreyer. En ce mois de septembre, l’actualité politique et internationale est chargée. Sur nos écrans, de nombreux films sont engagés.
BTL a choisi cinq d’entre eux : trois documentaires (Cinq nouvelles du cerveau, La pacifiste et Sìrìrì) et deux thrillers (Boite noire et Le traducteur). A leur manière, chacun d’entre eux ouvre une porte.
A vous d’en juger.
L’impact du mot juste dans « Le traducteur »
« Cinq nouvelles du cerveau » : le débat sur l’AI est lancé !
Jean-Stéphane Bron se dit fasciné par les espaces clos. Il n’est donc pas étonnant qu’il se soit intéressé à la boite crânienne et à ce qu’elle contient… Dans ce nouveau documentaire passionnant, le vaudois brosse le portrait de cinq scientifiques qui s’interrogent sur la complexité du cerveau et cherchent à comprendre son fonctionnement et à le reproduire. De Genève à Seattle, le documentariste nous conte les avancées de la science et les utilisations possibles de l’intelligence artificielle. Est-ce au détriment de l’espèce humaine ou pour son bien ?
C’est là que, à l’écoute de ces scientifiques, le documentaire nous force à nous interroger : que faire de ces avancées technologiques ? Faut-il ne pas craindre d’ouvrir la boite de Pandore, quitte à risquer l’extinction de l’espèce humaine ? Ou faut-il faire confiance à l’être humain et comprendre que les mathématiques ne sont qu’une simplification de la réalité, bien loin d’englober toute la complexité magnifique de l’homme ?
Des questions salutaires qui peuvent déranger. Grâce à une excellente vulgarisation et de nombreuses pointes d’humour, le propos est accessible à tous. Néanmoins si vous regardez ce documentaire avec des adolescents, n’hésitez pas à lire au préalable le dossier pédagogique qui s’y rattache pour préparer les discussions inévitables qui suivront…
« Boite noire » de Yann Gozlan
Avec Pierre Niney, André Dussollier, Lou de Laâge
Prix du public au festival d’Angoulême
Sortie en Suisse romande et en France : 8 septembre
« Boite noire », quand la vérité jaillit des ondes
Mathieu Vasseur (Pierre Niney) rêvait d’être pilote de ligne comme son père mais sa mauvaise vue l’en a empêché. Alors après ses études à l’ENAC (Ecole Nationale de l’Aviation Civile), il travaille au BEA, l’autorité responsable des enquêtes de sécurité dans l’aviation civile. Grâce à son excellente audition, il cherche à comprendre les raisons des défaillances techniques de certains appareils en analysant leurs bruits. Lorsqu’un avion de la compagnie European Airline faisant Paris-Dubaïs s’écrase, il est chargé d’étudier le contenu des boites noires. Mais la version officielle ne le contente pas et il va mener sa propre enquête contre l’avis de sa femme (Lou de Laâge) une ingénieure ambitieuse.
Ce très bon thriller va satisfaire les passionnées de l’aéronautique même si les spécialistes y trouveront d’inévitables incohérences. Car l’histoire fait écho au récent scandale des boeings 737 Max en mettant l’accent sur les enjeux financiers et politiques ainsi que les relations compliquées entre les compagnies aériennes et les constructeurs. Pierre Niney campe ainsi avec réalisme un Mathieu Vasseur qui cherche sa place dans un monde particulier mais tellement fascinant…
« La pacifiste » de Matthias Affolter et Fabian Chiquet
Sortie Suisse alémanique : 9 septembre
Sortie Suisse romande : 15 septembre
« La pacifiste », un hommage à Gertrud Woker
Qui se souvient de Gertrud Woker ? Même ses petits-neveux ont un souvenir très vague d’elle. « On disait de tante Trudi qu’elle était malade de la tête » raconte l’un d’eux. Et pourtant… Elle devient en 1907 la première femme maître de conférences en chimie à l’université de Berne et dirige à compter de 1911 l’Institut de biologie physico-chimique. Très tôt, elle s’engage en faveur du droit de vote des femmes mais surtout dénonce les atrocités causées par les premiers gaz de combat utilisés pendant la première guerre mondiale. Elle créée avec d’autres la ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté et militera toute sa vie contre la guerre et les armes chimiques, appelant à une prise de conscience des scientifiques des conséquences de leur recherche.
Ce thème vous rappelle quelque chose ?
Les documentaristes Matthias Affolter et Fabian Chiquet ont eu à cœur de remettre à l’honneur cette femme engagée. Malgré peu d’archives, ils arrivent à nous raconter le destin d’une femme volontaire et visionnaire grâce à de nombreuses animations. A travers son histoire, ils dépeignent également une époque passionnante et charnière. On peut juste regretter que certaines périodes n’aient pas été plus fouillées.
« Sìrìrì – le cardinal et l’imam » de Manuel Von Stürler
Sortie Suisse romande : 15 septembre
« Sìrìrì », la paix est possible !
Depuis 2013 en République de Centrafrique, des groupes armés sèment la terreur. Ils instrumentalisent la religion et incitent chrétiens et musulmans à s’entretuer. Deux hommes décident de s’allier pour contrer cette menace : l’imam Omar Kobine et le cardinal Dieudonné Nzapalainga. « La religion appartient d’abord à Dieu, elle n’appartient à aucune tribut ou communauté, à aucune race ou nationalité » déclare l’imam tandis que le cardinal rappelle « nous sommes tous frères et sœurs, nous sommes tous centrafricains ».
Ce documentaire est un beau message de paix et de fraternité. Mais Manuel Von Stürler veut aller plus loin : le franco-suisse dénonce aussi le pouvoir des armes, la manipulation des religions et des scénarios qui malheureusement semblent sans cesse se répéter.
Une leçon d’espoir.
Lundi 13 septembre à 20h00 au cinéma Grütli, une projection exceptionnelle a lieu en présence du Cardinal Dieudonné Nzapalainga et l’Imam Abdoulaye Ouasselegue, qui sont à Genève à l’occasion de la 48e session du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies.
« Le traducteur » de Rana Kazkaz & Anas Khalaf
Avec Ziad Bakri, Yuman Marwan, David Field
Sortie Suisse romande : 29 septembre
Sortie France : 13 octobre
« Le traducteur » ou le poids du mot juste
En 2000, Sami (Ziad Bakri) est le traducteur de l’équipe olympique syrienne à Sydney. Suite à une interview controversée, il s’enfuit et demande l’asile politique en Australie. Il y fait sa vie, est heureux, tout en regrettant les siens restés au pays. En 2011, la révolution syrienne éclate et les manifestations pacifistes sont réprimées durement. Lorsqu’il apprend que son frère a été arrêté, il décide de rentrer clandestinement au pays avec Chase (David Field) un ami journaliste, et d’enquêter.
Voici un bon film sur le déclenchement de la guerre civile syrienne mais aussi sur le poids des mots. « Les gens ont peur de parler mais le plus grand risque est de ne rien dire » clame l’une des protagonistes. A travers son métier, Sami doit trouver les termes les plus justes et les plus fidèles pour rendre compte des situations et des sentiments. Retourné en Syrie, il prend conscience de sa responsabilité vis-à-vis de son pays mais aussi de son entourage. Pendant combien de temps pourra-t-il rester caché derrière les mots des autres ? En suivant Ziad Bakri dans cette quête, nous sommes immergés dans un conflit atroce mais au plus près de ceux qui crient « nous voulons la liberté et la dignité ».
Le film sera projeté en présence des réalisateurs.trices Rana Kazkaz et Anas Khalaf le mercredi 29 septembre à 19h45 au cinéma Les Scala.