Virginie Hours – septembre 2021
« Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger » clamait l’avare dans la pièce de Molière du même nom. Est-ce certain ?
Après le documentaire « Chasseur de Truffe », BTL est de nouveau séduit par une histoire sortie de la chaleur des fourneaux. Le film est magnifiquement porté par un Grégory Gadebois clamant, alors qu’il surveille avec acuité l’avancée des cuissons : « du beurre, du beurre ! »
A déguster sans modération.
“Délicieux“ d’Eric Besnard
Avec Grégory Gadebois, Isabelle Carré, Benjamin Lavernhe, Lorenzo Lefebvre
Sortie en France et en Suisse romande : 8 septembre 2021
Sortie en Suisse alémanique : 9 décembre 2021
« Délicieux » ou la révolution dans l’assiette
Pierre Manceron (parfait Grégory Gadebois) est le cuisinier en chef du duc de Chamfort (Benjamin Lavernhe, pensionnaire de la Comédie Française qu’on retrouve de plus en plus au cinéma). Il lui doit tout puisque c’est l’aristocrate qui a distingué le roturier et l’a aidé à se former et à devenir ce qu’il est. Et puis un lien particulier unit ces deux êtres : l’amour de la bonne cuisine. Mais un jour et sûr de son fait, Manceron se fait renvoyer du château. Avec son fils Benjamin (Lorenzo Lefebvre), il reprend alors le relais de poste de son père. Il n’a plus goût à rien, attendant que le duc change de décision. Mais une femme Louise (Isabelle Carré) vient lui demander de devenir son apprenti. Il décide alors de relever la tête et de reprendre en main son art. Et en attendant que le duc ne lui revienne, d’en faire profiter les autres…
Nombreux sont les films qui subliment la cuisine, sa magie et son influence positive sur les relations. On peut citer “le festin de Babette“ou plus récemment “Master Cheng“ et “La saveur des Ramens“.
Qu’est-ce qui fait alors la particularité du film “Délicieux“ ?
Tout d’abord, la qualité de sa photographie. Le jeu des lumières, le souci du cadrage nous renvoient régulièrement aux natures mortes de la peinture flamande du XVIIème siècle. Les lumières sont chaudes, caressantes, appétissantes.
Ensuite ce face à face entre Manceron et le duc de Chamfort. Car le nœud de l’histoire se trouve dans ces deux mondes qui s’affrontent autour d’une même passion : la cuisine ! L’un a la rondeur et la puissance tandis que l’autre est tout en finesse et en aspérité. La caméra s’attache à leurs regards dans lesquels se lisent tour à tour le plaisir, l’attente de la reconnaissance, la déception, l’humiliation ou l’orgueil. Cette histoire est une belle métaphore sur la démocratisation du goût (et donc de la société) qui est un sujet toujours d’actualité. Faut-il avoir éduqué son palais pour pouvoir apprécier un restaurant étoilé à sa juste valeur ?
Ce film raconte aussi des révolutions de petit pas, des conceptions qui s’affrontent : l’ordre du monde entre Manceron et son fils, celui de la société entre Manceron et Hyacinte, le sens de la justice et la place de la femme entre Manceron et Louise…
Un beau film avec une histoire qui se révèle plus complexe que prévu et se savoure avec plaisir.