Virginie Hours – mars 2023
Le mois de mars s’annonce riche en sortie cinématographique ! Le choix fut complexe. Bythelake a décidé de mettre en avant des films humanistes et touchants : une première oeuvre espagnole réussie (El Agua), le portrait d’un artiste à la chanson universelle (Leonard Cohen – Allelujah), une histoire d’amour délicate (Le bleu du caftan) et un film qui rend hommage à la résilience de la jeunesse algérienne (Houria).
Lyna Khoudri dans « Houria »
« El Agua » d’Elena Lopez Riera
Avec Luna Pamies, Bárbara Lennie et Nieve de Medina
Sortie Suisse romande : 1er mars 2023
« El Agua » ou la force de la jeunesse
Ana vit avec sa mère et sa grand-mère dans un bar-restaurant près d’une nationale. Elle et ses amis s’ennuient, rêvant à d’autres horizons. Cette région d’Alicante, au sud de l’Espagne, est régulièrement soumise à de violents orages causant des crues gigantesques. La légende dit que des jeunes filles disparaissent dans les inondations quand elles sont les fiancées de l’eau. Ana craint d’en être une…
Ce film, premier long métrage de la jeune réalisatrice hispano-suisse Elena López Riera, ressemble de prime abord à l’œuvre kosovar « La colline où rugissent les lionnes » : un groupe de jeunes filles s’ennuient dans une région marquée par le chômage, un amour naissant, des relations difficiles avec les adultes. Mais peu à peu, il prend ses marques et nous transporte ailleurs. Ana est une jeune fille entourée par sa mère et sa grand-mère, des femmes vivant seules dans une société encore très patriarcale. Pas de misérabilisme mais de beaux portraits. La légende, racontée par d’autres femmes, sous-tend l’histoire : le réel côtoie le fantastique. et lui donne un rythme étrange et envoûtant. Plusieurs des acteurs sont des novices, engagés au hasard des castings, à commencer par Luna Pamies. Elle incarne avec bonheur une jeune fille qui refuse la fatalité et veut prendre son destin en main.
Le film, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes en 2022, est nommé aux Prix du Cinéma suisse, dans les catégories Meilleur Montage et Meilleur Film de Fiction.
« Hallelujah, les mots de Leonard Cohen » de Daniel Geller et Dayna Goldfine
Sortie France : 19 octobre 2022
Sortie Suisse : 22 mars 2023
« Hallelujah, les mots de Leonard Cohen » ou le pouvoir d’une chanson légendaire
Qui n’a jamais frémi en écoutant la chanson Hallelujah de Leonard Cohen ? Cet œuvre mythique sert de fil directeur au documentaire qui lui est consacré. Les réalisateurs Daniel Geller et Dayna Goldfine connaissaient bien le chanteur et ont travaillé sur ce projet avec la bénédiction de celui-ci. Grâce à de nombreux témoignages de proches, ils retracent le chemin professionnel et spirituel de ce canadien issu d’une famille juive aisée ayant commencé sa carrière comme poète. Le documentaire aborde donc plusieurs thèmes : la vie et la carrière de Leonard Cohen, comment spiritualité et inspiration sont profondément liées dans ses textes, sa quête personnelle menant au boudhisme. Par la suite, la chanson échappe à son auteur et se transforme au grès des interprètes et des époques …
Un beau moment rythmé par la voix grave de Léonard Cohen .
« Le bleu du caftan » de Maryam Touzani
Avec Lubna Azabal, Saleh Bakri et Ayoub Missioui
Sortie France et Suisse romande : 22 mars 2023
« Le bleu du caftan », la tendresse à l’épreuve
Le caftan est une tunique longue, parfois richement décorée, portée aussi bien par les hommes que par les femmes. Au cœur de la médina de Salé au Maroc, Mina et Halim tiennent une boutique de confection traditionnelle. Mariés depuis de longues années, ils s’aiment et se respectent dans leurs différences. Découvrant que Mina est malade, le couple décide d’engager un jeune apprenti. Sa venue va ébranler leur équilibre et les non-dits.
Le nouveau long-métrage de Maryam Touzani est une jolie merveille de délicatesse. Avec doigté, elle aborde aussi bien la question du temps que de la transmission, de l’identité et de la fidélité. Saleh Bakri incarne avec pudeur le mâallem, littéralement « celui qui sait » ou « celui qui a un savoir-faire », titre honorifique donné aux personnes jugées dignes d’instruire ou de transmettre un savoir-faire. Face à lui, Lubna Azabal est une Mina bouleversante de justesse. Le film est rempli de sensualité et fait appel aux cinq sens car il suggère plus qu’il ne montre. La tendresse qui lie les personnages irradie le film dont la structure est proche du huis-clos.
Le film a reçu le prix du meilleur réalisateur et le prix du meilleur acteur pour Saleh Bakri au Festival du film francophone d’Angoulême et le Prix international de la critique de la Fédération internationale des critiques de cinéma (FIPRESCI) au festival de Cannes dans la section Un certain regard.
« Houria » de Mounia Meddour
Avec Lyna Khoudri, Amira Hilda Douaouda, Rachida Brakni
Sortie France : 15 mars 2023
Sortie Suisse : 29 mars 2023
« Houria », la force de la jeunesse algérienne
Alger. Houria s’entraîne dur pour que son talent de danseuse soit reconnue et qu’elle ait un avenir. Très proche de sa mère, elle participe à des paris clandestins pour lui offrir une voiture. Un soir, elle est violemment agressée ; elle perd l’usage de la parole et une fracture à la cheville stoppe ses rêves professionnels. Lors de séances de rééducation, elle rencontre un groupe de femmes qui suivent des séances de thérapie suite à des traumatismes vécues pendant les années noires. En décidant de les rejoindre, Houria trouve une nouvelle manière de vivre sa danse et de reprendre son destin en main.
Si le scénario ressemble de prime abord au film de Cedric Klapish En corps, la nouvelle œuvre de la réalisatrice Mounia Meddour (révélée par l’excellent Papicha) est dotée d’une musique propre qui rend l’histoire particulière. En effet, le fond du tableau est cette société algérienne qui n’en finit pas de panser les plaies de la violence terroriste qu’elle connut jusqu’en 2008 : celles qui ont perdu la parole cherchent à la retrouver à travers la danse ; Houria et son amie symbolisent la jeunesse, écartelée entre résilience et espoir d’un avenir en Europe.
Un beau film porteur d’espérance.
Mounia Meddour a reçu le prix « Femme de cinéma » aux Arcs Film Festival 2022.
©Renaud Schrobiltgen