Leah Linh, ateliers de Bellevaux ©Thara Scippa
Sonia Jebsen – juin 2022
Leah Linh Vu a exposé son nouveau travail intimiste à l’Espace Démart à Lausanne. La visite en sa compagnie nous a révélé une artiste à la maturité précoce… et une détermination à vivre pour et de son art envers et contre tout. Sa peinture empreinte de symbolisme brille littéralement de mille feux grâce à l’utilisation systématique de la “fascinante” feuille d’or.
Une quête identitaire
L’enfance de Leah Linh n’est pas un long fleuve tranquille. Son papa vietnamien l’appelle Linh et sa maman hispano-suisse, Leah, le même prénom qui signifie “âme”. Tiraillée entre ses origines, elle est la cible d’insultes et de mises à l’écart par les autres enfants jusqu’à ses 15 ans. La peinture devient alors une planche de salut. Elle découvre la pose de la feuille d’or en accompagnant sa grand-mère au cours d’iconographie dans l’atelier d’une professeure russe à Lausanne.
Mais la séparation de ses parents l’entraîne dans un travail douloureux pour reconstruire son identité. La découverte de sa signature en forme de sceau (ou tampon asiatique) confirme l’acceptation de ses origines. Malgré cela, la jeune artiste n’a toujours pas la reconnaissance de sa famille dont elle s’est affranchie financièrement.
Curieuse professionnelle, Sonia part toujours un appareil photo à la main, pour partager les beautés de la région ou sa passion pour l’art et les artistes.
Le symbolisme de Leah Linh
« Si quelqu’un veut savoir quelque chose sur moi en tant que peintre, qu’il regarde attentivement mes toiles et qu’il cherche à découvrir en elles, ce que je suis et ce que je veux ». La citation de Gustav Klimt est une clé importante ouvrant sur le monde intérieur de Leah Linh.
Elle a fait sienne la technique à la feuille d’or en développant au fur et à mesure un style libre, sans préparation. Le trait de pinceau est gras, brut. Si les toiles dégagent une lumière dorée rassurante, le regard doit plonger plus profond pour décrypter les messages. S’inspirant de la mythologie (le Minotaure), du religieux ou en recyclant des objets chinés, Leah Linh exprime l’invisible, les émotions, l’inconscient. Son langage pictural parle à l’humanité sans différence de race ou de religion.
Regard sur quelques oeuvres
« Au fil de la vie » dépeint en quatre tableaux ronds la vie intra-utérine, de l’état de foetus à l’être humain. Cette oeuvre de 2019 décrit le souvenir et le désir inconscients de retrouver ce cocon d’amour protecteur. Un lien de laine rouge relie chaque oeuvre, comme un fil conducteur, un cordon ombilical. « J’ai fortement ressenti ce besoin de couper ce cordon à l’adolescence et de m’émanciper », précise Leah Linh.
« Insolence » réveille en nous les images érotiques du peintre Egon Schiele avec ses corps suggérées dans des « parties de jambes en l’air. » Gros plan sur les pieds, partie souvent oubliée, mais si expressive ! Ce triptyque traité comme une estampe bannit la vulgarité. La force du trait fait la part belle à nos fantasmes et l’or sacralise l’acte sexuel.
Le triptyque « Herida » (2022), sous son air d’abstraction, symbolise la blessure physique ou morale que le temps guérit. D’abord plaie sanguinolente, la peau suturée se garnit d’une cicatrice, souvenir de la douleur ! Exposer ses souffrances parait comme un exorcisme pour l’artiste.
Corteccia d’oro
Au centre de l’espace s’élevait un arbre appelé Corteccia d’or (écorce d’or). Il a été créé en collaboration avec le décorateur de théâtre, Corentin Meige. Composé d’un tronc de béton, et de branches de bois flotté, son écorce est couverte de feuilles d’or soigneusement appliquées par les artistes. Leah Linh était en recherche d’un autre espace pour l’exposer. Bonne nouvelle, un lieu lui a été proposé, en attente de confirmation.
Dans un autre temps, nous lui aurions suggéré le Jardin des Hespérides, célèbre pour son pommier aux fruits d’or !
Vous pouvez découvrir le travail de Leah Linh à la galerie Plexus à Clarens jusqu’au 3 juillet prochain.