Virginie Hours – Juillet 2017
L’écopsychologie, une nouvelle lubie ? Pas tout à fait… Car ce mode de pensée, vu aussi comme une prise de conscience, pourrait apporter une réponse au mal être de notre société qui résonne comme un écho à la crise écologique.
« Défini par le mot grec oïkos (maison terre), psyché (l’âme humaine) et logos (le discours), l’écopsychologie veut changer le regard que nous portons sur la nature et nous conduire à ne plus la percevoir uniquement comme un stock de ressources mais aussi comme une âme » nous explique Michel Maxime Egger, sociologue et écothéologien de tradition orthodoxe, auteur du livre « Soigner l’Esprit, guérir la terre » que nous avons rencontré au Salon du Livre de Genève. La terre n’a-t-elle pas une forme de mémoire, de conscience, de voix ?
Déjà le psychiatre et psychanalyste suisse Carl Gustav Jung (1875-1961) faisait le constat « qu’à mesure que la connaissance scientifique progressait, le monde s’est déshumanisé. L’homme se sent isolé dans le cosmos, car il n’est plus engagé dans la nature et a perdu sa participation affective inconsciente, avec ses phénomènes. »
L’écopsychologie veut donc replacer l’homme à sa juste place. Car en Occident, il est vu comme au centre de tout, c’est à dire hors de la nature, voire au-dessus. « L’homme est hors-sol » résume Michel Maxime Egger. Il faut donc le re-situer (et nous re-situer) comme un élément dans ce tout cosmique dont il fait partie intégrante mais dont il n’est qu’un élément parmi d’autres.
A l’image de certaines traditions, nous sommes donc aujourd’hui invités à écouter la nature et à nous reconnecter à elle pour simplement sentir notre interdépendance. Cette démarche passe par l’intériorité car il faut aussi se mettre dans un état d’écoute et de disponibilité comparable à la prière ou la méditation afin d’avoir accès à une dimension spirituelle. Et Michel Maxime Egger cite le patriarche orthodoxe Bartholomée : « nous devons apprendre la langue divine qui est cachée au fond de la nature ».
Le constat est tout simple : comme l’homme contemporain peut vivre plusieurs semaines sans avoir aucun contact avec la nature (toucher un arbre, regarder la lune, voir un animal sauvage), il est amené à se sentir déconnecté de la Terre et à ressentir une forme de traumatisme qui se traduira par du stress, de la tension, voire des addictions. Des pistes sont donc aujourd’hui proposées comme « le travail qui relie » de Joanna Macy (née en 1929), pour retrouver cette « interdépendance avec la nature… »
Plus simplement, Michel Maxime Egger propose quelques attitudes faciles à adopter :
- Etre dans la nature, que ce soit un parc, un square, un jardin urbain quand on est en ville
- Se mettre dans une attitude de réceptivité et d’écoute (pieds nus sur la terre par exemple, en verticalité pour sentir la connexion entre la terre et le ciel)
- Se mettre en attitude de réceptivité dans tous les sens (odeur, ouïe)
- Oser entrer dans un nouvel imaginaire, une nouvelle vision du monde où l’être humain ne se voit plus comme extérieur : parler aux plantes, caresser les troncs d’arbres.
Il faut repenser l’éducation et aller au-delà de l’écologie durable, revoir la nature comme un milieu à vivre. Il s’agit de nous transformer nous-même et de tisser nous-même de nouvelles relations avec la nature : nous promener dans le même parc, revenir au même endroit, regarder les plantes changer, dire « merci » pour quelque chose. Il faut offrir à la terre ces moments de reconnexion.
Envie d’aller plus loin…
Michel Maxime Egger a écrit plusieurs livres sur le sujet : « La Terre comme soi-même », « Soigner l’Esprit, guérir la Terre » (édition Labor et Fides) et « Ecopsychologie : retrouver notre lien avec la terre » (édition Jouvence).
Il fait également parti de l’association « Pain pour le prochain » qui se présente comme un « laboratoire de la transition intérieure en Suisse romande, avec un accent sur l’écospiritualité et l’écopsychologie. »
Des ateliers « explorer notre lien au vivant » sont proposés régulièrement, ainsi que des rencontres mensuelles qui ont lieu au Pôle Sud de Lausanne.