C’est reparti pour un tour

La réalisatrice Amélie Bonnin a gagné en notoriété en 2023 en recevant le César du meilleur court-métrage pour un film éponyme. Celui-ci est visible actuellement sur Arte mais je vous déconseille de le regarder, vous perdriez l’effet de surprise ! Ensuite, pourquoi pas, si vous souhaitez jouer au jeu des sept erreurs… En effet, Amélie Bonnin revisite cette jolie histoire sur les regrets laissés par nos amours adolescents mais en en modifiant les perspectives. Cette fois-ci, ce n’est plus un jeune écrivain à succès mais une jeune femme chef gastronomique en pleine ascension, qui décide de revenir dans son village natal. Ses parents tiennent le même relais routier dans l’Est de la France, sa chambre a les mêmes posters aux murs mais ses amis de lycée ont vieilli.

Le thème du retour aux sources, de cette France rurale dénigrée qui cache des trésors de simplicité, de camaraderie en contrepoids d’un Paris guindé et stressant a déjà été traité mille fois.

Pourtant, Amélie Bonnin évite les écueils d’une trop grande facilité grâce à un ton personnel et un panel de personnages attachants. Dominique Blanc avec sa gouaille contagieuse est parfaite en épouse pragmatique et optimiste. Face à elle, François Rollin est bourru à souhait. Ils symbolisent ce monde des relais routiers qui se perd, le rideau en perles qui séparent la cuisine de la salle commune, le bœuf bourguignon et la macédoine de légumes.

De son côté, Cécile revendique une liberté faite de bisque de homard et de plat signature. Il est facile d’opposer ainsi la France des villes et celle des campagnes. Pourtant, Cécile se laisse prendre par une forme de nostalgie, voire de mélancolie. Est-ce si simple de laisser derrière soi son univers et son amour de jeunesse ? Celui-ci, joué par un Bastien Bouillon solaire, la séduit, l’interpelle, la déstabilise. L’histoire la rattrape gentiment comme pour l’aider à grandir définitivement… La nostalgie a du bon. Qui se souvient d’avoir demandé un « canard » et fait tremper son morceau de sucre dans le café de ses parents ? Vous ne referez plus ce geste par hasard.

Alors, on chante !

Nous nous souvenons tous du film On connait la chanson et de Jean-Pierre Bacri entonnant en playback « avoir un bon copain, c’est la meilleure des choses au monde » de Georges Guétary. Amélie Bonnin nous invite également à chantonner mais en soutien à ses acteurs qui fredonnent eux-mêmes du Stromae ou du Nougaro. Le résultat est épatant, jamais ridicule. De Céline Dion en passant par Dalida (magnifique Dominique Blanc reprenant « paroles, paroles », dans son camping-car) ou Claude Nougaro, ses choix éclectiques et intergénérationnels sonnent parfaitement et diffusent une énergie bienfaisante. Certes, ils chantent plus ou moins bien (à part Juliette Armanet, bien évidemment) mais qu’importe ! Le phrasé et le ton nous touchent ou nous bousculent, certains chantant comme pour eux-mêmes, d’autres parodiant avec bonheur les grands rappeurs. C’est gai, sans prétention. Pourtant, l’émotion n’est jamais loin, discrète…

L’effet Cannes

Le film fait l’ouverture du Festival de Cannes (hors-compétition) et cet honneur lui a attiré des critiques dont il n’est pas responsable. Selon certains, cette chronique amoureuse et musicale ne serait pas assez recherchée ou sophistiquée pour figurer ainsi parmi de futurs grands classiques. Peu importe, ne boudons pas notre plaisir. Nous ressortons de la salle de cinéma avec de l’entrain et ça fait du bien.