Claire-Alice Brenac – Juin 2017
©crédit photos Sonia Jebsen
Une douce lumière commence à peine à envelopper le paysage. Il est 7 heures quand Fabrice Christinat nous invite à bord de son bateau à moteur pour partir relever les filets. Le ballet des pêcheurs peut commencer… à l’aube, ils sont les seuls à glisser au coeur d’un tableau féérique, sur ce miroir d’eau qui scintille et s’anime avec les rayons du soleil levant.
Nous traversons le lac entre Coppet et Corsier pour rejoindre les bouées qui signalent les filets posés vers 4 heures, les nuits sont courtes chez les pêcheurs! « 3 heures entre la pose et la levée, pour proposer un poisson de grande qualité, il est indispensable de remonter vite afin que les chairs ne s’abiment pas… » nous explique Fabrice Christinat.
Rencontre avec Virginie Basselot, cheffe à la Réserve
Comme beaucoup de pêcheurs du Léman, la tradition s’est transmise de père en fils dans cette famille de Coppet pour qui la qualité des produits va de pair avec l’amour du métier. Une partie de la moisson du jour rejoindra la poissonnerie familiale, et l’autre est livrée aux cuisines d’une table prestigieuse des bords du lac, celle de l’hotel 5* de la Réserve. Les pêcheurs du lac sont nombreux à réserver une part de leur filet pour un chef de la région. Alors que dans le temps on posait ses casiers à la porte de la cuisine, les relations entre les fournisseurs et les cuisiniers sont aujourd’hui plus directes, l’amour du produit étant un lien assez fort..
« Travailler avec des grands chefs est un honneur et un grand plaisir. J’ai commencé avec Philippe Durandeau et je suis ravi de continuer avec Virginie Basselot, la nouvelle cheffe qui a pris sa succession. » Fabrice Christinat apprécie ce contact avec des maestro de la cuisine qui influencent automatiquement sa façon de travailler.
« J’ai toujours un contact avec la cuisine qui me demande des poissons de tailles différentes selon les mets à préparer… On est toujours à l’écoute de leur carte, et puis parfois des menus spéciaux, l’omble chevalier, la truite ou d’autres choses que l’on pêche moins souvent.
On travaille en équipe et pour le pêcheur c’est appréciable de rentrer dans cet univers et de voir toutes ces façons de traiter le produit, les types de condiments utilisés, et ainsi de mieux comprendre les besoins et l’attente… Les goûts ont changés, même s’il y a toujours des recettes de base: avant le poisson était très cuit et aujourd’hui on est sur des modes de cuisson différents, les grands chefs aiment en général le poisson rosé à l’arête. Pour nous les pêcheurs, cela se traduit par des filets qui ne restent le moins longtemps possible dans l’eau ».
« Cela porte chance d’avoir des dames à bord? » lance amusé un confrère en croisant notre embarcation. Pas vraiment, nous avons levé une trentaine de kilos de perches ce matin-là, le record de notre capitaine étant de plus du double.
C’est aléatoire bien sûr, en fonction des courants, des variations de la température de l’eau… La pêche est particulièrement régulée, la pollution du lac un combat permanent et les quotas sont stricts pour préserver les espèces du Léman, mais l’équilibre est fragile comme toujours. Même si chaque région se mobilise pour préserver son écosystème, la théorie du « battement d’aile du papillon » est une réalité.
Une histoire d’omelette et de Cormorans des contrées scandinaves … Fabrice Christinat peste contre ces Cormorans qui sont arrivés depuis quelques années et prélèvent avec gourmandise leur part de poissons: « Ils viennent de la mer du nord… dans le temps les familles de ces régions avaient le droit de se faire une omelette par an avec leurs oeufs, c’était une coutume qui devait aider à réguler cette population d’oiseaux. Aujourd’hui ils sont protégés et envahissent nos rivières et nos lacs…« .
9h00, retour au port. L’écaillage commence à la Poissonnerie de Coppet, Madame Christinat sort ses délicieuses terrines faites maison… le rideau de la boutique s’ouvre bientôt sur une autre scène de la vie d’une famille de pêcheurs du Léman.