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Qui n’est pas passé devant cette chocolaterie située rue de Rive? Tellement ancrée dans le paysage genevois que c’est tout juste si on remarque encore sa devanture dorée et son tea-room cossu ? Justement… C’est la 5ème génération qui tient les commandes en la personne de Philippe Auer.

L’histoire ? La famille Auer est originaire des Grisons mais doit quitter la région autour de 1850 pour trouver du travail. Avec son savoir-faire de pâtissier-confiseur (déjà), l’ancêtre part dans le sud de la France, se marie, ouvre une boutique à Toulon et a plein d’enfants (11 !). L’aîné reprend le commerce (un de ses enfants ouvrira plus tard la chocolaterie de Nice) mais un des cadets décide de revenir en Suisse. C’est l’arrière-grand-père Gaspard Auer qui s’installe alors à Berne, se marie, déménage à Genève et ouvre une boutique au début du XXème siècle, place du Mont Blanc. Il rencontre le succès mais vend l’entreprise avant la succession. Le grand-père Henri cherche à s’installer et trouve alors l’arcade actuelle en 1939… que Claude, le père de Philippe Auer, reprend en 1967 et développe en créant le tea-room et en pensant à la devanture dorée… C’est lui également qui construit un laboratoire moderne aux Acacias en 1988.

Alors, bien sûr, on peut parler du goût (du chocolat) en héritage puisque Philippe Auer fait son apprentissage de pâtissier-chocolatier-confiseur avant de reprendre l’entreprise. Et la spécificité de la chocolaterie Auer, il la revendique : « attention, il faut défendre les chocolatiers, car ici, nous sommes la seule boutique à ne faire que du chocolat » nous fait-il remarquer.

Est-ce une tradition pesante ou formolée ? « J’essaie d’éviter les modes, rester classique mais sans jamais être obsolète » se donne-t-il comme ligne de conduite.

Y a-t-il eu une crise du chocolat comme il y a eu une crise de l’horlogerie ? Pas vraiment selon lui, même s’il reconnaît que le coût des matières premières (cacao, vanille, fruits secs) est très dépendant des conflits, des crises économiques, etc… En revanche, il reconnait qu’il y a une quinzaine d’années, les français ont un peu secoué le cocotier en lançant la mode du chocolat très « noir » mais drapé de toutes les vertus. Cette mode a bouleversé les habitudes et le ronronnement des belges et des suisses… Depuis, consommateur et chocolatier sont revenus à des pourcentages de cacao plus équilibrés, plus proches du 60% que du 90 % d’alors, ce qui s’est ressenti dans les chocolats et l’évolution des matières premières. Mais si la chocolaterie Auer suit certaines demandes (comme le chocolat épicé), elle se méfie également car elle souhaite avant tout écouter ses clients. « On suit les tendances en gardant notre âme » plaide Philippe Auer.

Car l’autre héritage qu’il a reçu est sans doute le goût du client justement, non pas uniquement celui de John Kerry qui est venu cet été pour la 4ème fois acheter une boite de chocolat pour son épouse, mais l’habitué genevois qui passe le pas de la porte pour s’offrir une boite ou son chocolat de la journée.

La chocolaterie compte plus de vendeuses que dans les autres magasins de la rue ? C’est par sens du service, pour que chacun se sente accueilli avec autant d’attention quelle que soit sa demande.

Agrandir la boutique ou le tea-room ? Philippe Auer ne le souhaite pas. « On veut garder notre taille car je pense que cela fait partie de notre identité ».

Modifier la décoration du tea-room qui date des années 70 et avait été décidée par le grand-père ? Il est rénové mais en gardant l’esprit d’époque, toujours ouvert à 7h00 pour que les habitués puissent continuer de prendre leur café avant d’aller travailler.

« Je veux rester populaire, rester la chocolaterie genevoise pour les genevois » nous explique celui qui se félicite de voir parfois la 3ème génération de genevois venir acheter leurs chocolats du mercredi. Mais attention : rester populaire tout en gardant le souci de la qualité. « Pour moi, ce qui est important, c’est d’être gourmand ; il faut que ce soit bon » avoue-t-il avec un grand sourire.

Et cet héritage, que va-t-il devenir ?

Philippe Auer est confiant : « moi, je n‘ai pas forcément choisi cette voie mais j’ai deux fils qui ont très envie de reprendre et ça me fait très plaisir » nous confie-t-il.

Nous voici rassurée.