Le 5 octobre 2016, les Inspecteurs du Guide Michelin 2017 ont décerné 3 étoiles au restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier.
C’est pour Brigitte Violier et son équipe la récompense du travail d’une famille soudée qui déploie au quotidien son énergie au service de l’excellence et de la haute gastronomie.
Le 27 janvier 2016, quatre jours avant le « départ » de Benoît Violier, Claire Brenac, fondatrice de bythelake.ch et moi-même, avions rencontré Brigitte, son épouse. Nous n’avons jamais publié l’interview, nous avons préféré attendre neuf mois… Donner du temps au temps… Mercredi 28 septembre dernier, nous avons de nouveau franchi les portes du prestigieux restaurant étoilé de l’Hôtel de Ville à Crissier, accueillies avec beaucoup de gentillesse par Brigitte qui conjugue au quotidien, force et fragilité.
Brigitte Violier, la force tranquille et lumineuse
Brigitte Violier est née il y a 46 ans, dans le sud de la France, à Narbonne, de parents commerçants et saisonniers et jusqu’à l’âge de vingt ans a vécu au rythme des saisons et affaires familiales entre le midi et Courchevel. Fille de la montagne et de la mer, aussi à l’aise sur une planche à voile que sur des skis, habituée aux changements ! C’est en 1997, à Courchevel qu’elle fait la rencontre de Benoît.
Déjà Compagnon du Tour de France et saisonnier lui aussi, en attente d’intégrer la brigade de Freddy Girardet puis d’œuvrer, peu de temps après aux côtés de Philippe Rochat. Pour le suivre à Crissier, elle poursuit une carrière chez Sisley cosmetics en Suisse, une entreprise familiale qui lui correspond. Deux ans plus tard, elle ouvre le stand de la marque chez Globus Genève avec la même énergie et le goût du management, qui la porte chaque jour ! Entre-temps, Benoît devient Meilleur Ouvrier de France et bras droit de Philippe Rochat. Une belle ascension pour eux deux et le début d’un enracinement solide en suisse.
En 2003, la famille s’agrandit avec la naissance de leur fils Romain, mais elle continue de travailler à mi-temps, dans l’univers de la beauté « ne jamais s’arrêter, sinon, c’est fini ».
En 2006, le début de l’aventure au restaurant de l’Hôtel de Ville et la décision de reprendre la succession de Philippe Rochat. Le début d’une histoire partagée, un départ à zéro pour Brigitte qui reprend aux côtés de son mari, une institution, apporte une présence féminine attendue et appréciée par les clients.
C’est le début d’une nouvelle expérience vers l’inconnu. La Maison retrouve un esprit de famille et Brigitte devient « le trait d’union entre la réception et la cuisine et met à profit son expérience pour prendre en charge l’accueil, le contact, revoir entièrement la décoration, le service de table, l’aménagement et l’agencement des salles, jusqu’à l’acoustique. Reprendre en mains le travail de l’ombre, la gestion, les réservations avec un travail de fond important, car tout est noté pour améliorer le service « comme une carte de fidélité cosmétique » aussi bien les plats que les goûts des clients, fidèles à 60% ! Elle teste aussi les nouvelles recettes et donne son avis pour un accord parfait avec le choix de la vaisselle.
Décembre 2015, consécration suprême, Benoît Violier devient Le Premier sur La liste des places mondiales de grand Chef. 31 janvier 2016, Benoît Violier nous quitte.
Franchir la porte du restaurant de l’Hôtel de ville à Crissier, c’est être accueilli dans une Maison, une institution, qui résiste aux événements et traverse le temps au-delà des personnes et des cuisiniers. Nous en sommes déjà à la quatrième génération et au cinquième chef si l’on compte avant Freddy Girardet qui a créé la cuisine à Crissier, son papa Benjamin Girardet, puis Philippe Rochat, Benoît Violier, Franck Giovannini. Aujourd’hui, l’histoire continue avec Brigitte Violier, une femme discrète, mais tellement présente, indispensable au bien-être de tous et des clients !
BTL : Brigitte, aujourd’hui…
BV : Maintenant, ce qui est très important et différent, c’est la Force de la Maison, c’est plus qu’une identité, c’est un tout. C’est une force qui s’est manifestée dès le lendemain… Elle nous a permis d’être là le mardi (B.Violier est décédé le dimanche 31 janvier 2016) ! C’est aussi la force de l’équipe que Benoît avait créée à ses côtés qui continue à travers moi et le nom. Il me revient la charge de veiller à la transmission de ce savoir-faire, ce plaisir lié à la vie des gens, des anniversaires, des fêtes de famille… Cela doit continuer !
BTL : Vous parlez de continuité…
BV : Franck Giovannini, le nouveau Chef de la maison, est aussi le dernier à avoir côtoyé les trois générations de cuisiniers de la maison, Girardet, Rochat, Violier… Il porte en lui l’héritage de Benoît. Il a toujours été à ses côtés depuis 21 ans et ils ont presque le même âge au niveau expérience professionnelle. Cette complicité, le style gustatif et culinaire se perpétuent. Le statut de Franck a changé, mais il continue à faire ce qu’il a toujours fait, exceller avec discrétion, dans la cuisine. Franck se sert de tout cet héritage, de ce savoir-faire, de cette exigence que Benoît a donné pour poursuivre son œuvre tout en apportant avec douceur, à son image, une touche personnelle. Depuis le départ de Benoît, il en est à sa quatrième carte, ce n’est pas rien !
BTL : Vous avez changé votre angle de communication, notamment votre site Internet avec un titre B.Violier, pour Benoît et/ou Brigitte ?
BV : On a tout refait et cela m’a fait un tel bien! J’avais besoin de changement… Le B.Violier c’est la fusion, la complicité, la continuité et revenir dans la réalité de cette équipe de 58 personnes, cet esprit d’équipe surtout. Il fallait se repositionner rapidement, ne plus être dans le Star système, dans l’idéalisation, on est aujourd’hui dans la concrétisation du travail. Avant on allait chez Benoît Violier, maintenant, on va chez Violier parce que c’est l’esprit Violier qui parle… Je suis là pour maintenir cet état d’esprit et c’est dans cette idée-là que tout le monde nous suit. Il ne faut surtout pas que cela s’arrête et espérer que cet esprit se transmettra dans les générations futures, c’est ce que l’on espère tous et ce vers quoi nous allons.
BTL : Plus de Star système ?
BV : Il n’y a malheureusement plus d’icône à encenser… On va vers autre chose et qui m’aime me suive avec un handicap car je ne cuisine pas mais j’ai une équipe qui est restée la même, tout le monde est monté naturellement en grade et chacun joue un rôle pour apporter tout son écrin au plat qui ne peut être sublimé que par un service impeccable, une ambiance, un décor, une chaleur humaine. Nous allons au-delà de la gastronomie et qui veut partager ce changement est bienvenu.
BTL : Votre clientèle est toujours la même ?
BV : Elle a évolué, nous avons nos clients fidèles et puis ceux qui ne viennent plus parce qu’ils ne peuvent plus. Nous avons créé aussi une nouvelle clientèle qui a pris conscience de l’intérêt que cette maison a pour eux finalement et beaucoup de nouveaux clients sont venus touchés par notre force et pour nous soutenir. Aujourd’hui c’est une autre relation qui naît ! C’est un nouveau souffle, une énergie positive qui nous porte et nous conforte dans l’idée que nous sommes sur la bonne voie et avons pris la bonne décision, parce que sans les clients, cela ne fonctionne pas.
BTL : Du temps pour vous ?
BV : Difficile… Il y a un tel vide autour de moi maintenant et pour le remplir, je dois être active. Le travail prend une ampleur qui pour le moment est nécessaire, constructif. Etre touchée de plein fouet par une disparition qui lie travail et vie de famille, est doublement douloureux. Il faut recréer l’équilibre, retrouver un repositionnement par rapport à une vie nouvelle. Cela a changé notre vie radicalement avec Romain, notre fils, c’est dur, il n’y a rien de pire. Cela donne une force d’un certain côté, mais reste une fragilité, on doit le gérer… J’avance avec l’équipe qui m’aide beaucoup. Il faut se donner une direction, avoir des objectifs. Et tout ceux qui nous rejoignent au niveau du staff ou des clients font partie de cette force.
BTL : Quelques mots sur la carte d’automne ?
BV : La carte de l’automne est celle qui comporte le plus de produits avec les crustacés provenant de la côte atlantique et les produits de la chasse sauvage fournis par les chasseurs des environs. Une viande mise à l’honneur, diététique, saine et énergétique, notre marque de fabrique avec l’ère de Benoît qui a ouvert cette diversité. Elle continue avec Franck, qui n’est pas chasseur, mais a conçu avec Benoit ses deux livres, cuisiné ses plats depuis le début et a toujours été présent dans ses créations. Il est important de préciser que l’on a une carte spécifique de chasse et une carte d’automne, plus développée pour ceux qui n’aiment pas la chasse. C’est une nouveauté et un réel plus, notamment avec la Truffe Blanche qui « mène la danse en ce moment ». La carte se construit d’une année sur l’autre, comme la mode chaque saison inspire la prochaine.
BTL : Et votre Académie de cuisine, toujours autant de succès ?
BV : Depuis 2012, l’Académie de cuisine est une perspective qui plaît aux néophytes ou aux experts. C’est une autre vision du restaurant, car ils sont dans une immersion totale, au cœur de la brigade. Ils suivent le service de midi, c’est une belle approche du monde de la gastronomie. Nous allons au-delà du cours, nous transmettons, c’est un outil formidable aussi pour souder les équipes et l’on vient souvent de loin pour assister à ces cours exclusifs.
BTL : Toujours envie d’aller de l’avant ?
BV : Bien sûr… C’est nécessaire, œuvrer notamment avec les autres Chefs du guide des Tables de Suisse, dont le restaurant fait partie pour une mise en avant des petits producteurs, des produits régionaux, des spécialités, des bons vins et donner à la Suisse une identité gastronomique moins traditionnelle…
Brigitte Violier, tranquille et lumineuse, femme magique au regard pétillant, curieuse, énergique, « Gardienne » indispensable de l’Esprit Violier au restaurant de l’Hôtel de Ville, va de l’avant avec la force qui est en elle.
Restaurant de l’Hôtel de Ville
B.Violier
Rue d’Yverdon 1
1023 Crissier
tel +41 (0) 21 634 05 05
https://www.restaurantcrissier.com
Fermé dimanche et lundi