Thibault de Watrigant, fondateur de Art Shortlist
Sonia Jebsen – février 2025
En 2019 apparaît sur le web une nouvelle plateforme digitale, Art Shortlist, conçue par l’entrepreneur, Thibault de Watrigant basé en France. Une de plus, pensez-vous, s’ajoutant à la liste Artnet, Artsy, Singulart, sans oublier Saatchi et Christies ! Six ans plus tard, le site de vente maintient le cap grâce à une sélection très pointue d’artistes, réalisée par des experts.
Questions à Thibault de Watrigant
Sonia Jebsen : Dès le départ, vous avez misé sur la qualité des artistes au lieu de la quantité. Avez-vous gardé ce fil conducteur ?
Thibault de Watrigant : Nous avons gardé cette philosophie de la “shortlist”. En raison de notre modèle fonctionnant principalement en ligne, il faut être méticuleux dans la sélection.
Nous choisissons des artistes ayant une reconnaissance établie et une cote sur le marché de l’art. Nous travaillons avec des experts pour garantir l’authenticité et la qualité des œuvres proposées à la vente. Ce modèle sélectif, axé sur des artistes confirmés, est notre marque de fabrique et ce qui nous différencie concrètement de nos concurrents.
Sonia Jebsen : Pourquoi ne proposez-vous pas d’oeuvres photographiques ?
Thibault de Watrigant : C’est une question qui revient fréquemment de la part de nos clients. Pour l’instant, nous restons sur ce choix n’ayant pas l’expertise nécessaire dans ce domaine. Notre focus est sur les médiums que nous maîtrisons le mieux : peintures, dessins, estampes et sculptures.
Curieuse de nature, autodidacte par choix, Sonia partage sa passion pour l’art et les artistes situés en Suisse et en France voisine. Vous la rencontrerez sans doute déambulant dans des galeries, des musées, des espaces d’exposition ou des ateliers d’artistes, appareil de photo en main. Son but : diffuser les informations par l’écriture, l’image et créer du lien entre les différents acteurs du monde de l’art de la région lémanique.
Sonia Jebsen : Quelle a été votre stratégie durant la crise sanitaire qui a durement impacté le secteur artistique et les évènements en lien ?
Thibault de Watrigant : La crise sanitaire a été un véritable tremplin pour notre développement. Pendant cette période inédite, nous avons enchaîné les ventes à distance, prouvant que l’art en ligne était une solution fiable et efficace même dans des moments incertains.
Cette crise a largement contribué à l’évolution des mentalités des acteurs du monde de l’art : l’achat et la vente en ligne sont désormais beaucoup plus décomplexés et sont devenus une norme. Les statistiques récentes montrent que le pourcentage des ventes ne cesse de croître. Nous sommes fiers de faire partie des pionniers dans ce domaine.
Sonia Jebsen : Quelle est votre vision du marché de l’art en 2025 ?
Thibault de Watrigant : Cette année s’annonce déjà comme une année charnière pour le marché de l’art. Les tensions économiques et géopolitiques rendent les collectionneurs plus prudents, notamment envers les artistes émergents. Si cela peut ressembler à un effondrement, c’est aussi l’occasion de remettre le marché sur de bonnes bases, en valorisant l’authenticité et la véritable valeur de l’art.
Mais la situation reste complexe pour les jeunes artistes, un défi que nous continuons à relever avec la plateforme. Dans ce contexte particulier, la transparence sur l’état du marché est essentielle pour regagner la confiance des acheteurs et leur offrir une vision claire des opportunités à saisir.
Sonia Jebsen : Entendu la discrétion au sujet des chiffres de fonctionnement de la plateforme, quel est votre bilan ? Avez-vous injecté de la nouveauté ?
Thibault de Watrigant : Je suis très satisfait du chemin parcouru. Les ventes ne cessent de croître chaque année et les visites du site sont également en constante augmentation, nous positionnant comme acteur important dans le monde des marketplaces d’art.
Je n’ai jamais eu besoin de lever des fonds ou de compter sur des partenaires financiers extérieurs, malgré de nombreuses sollicitations… Cette liberté d’action et de ton nous a permis de créer un concept auquel nous croyons profondément, tout en gardant l’âme initiale de la plateforme.
Aujourd’hui, le site est à sa deuxième version et les retours de nos clients sont très positifs. Pour les années à venir, nous réfléchissons à l’intégration de l’intelligence artificielle pour améliorer les performances de la plateforme et coller à la demande des utilisateurs.
Sonia Jebsen : Vous proposez des publications sur divers sujets artistiques. Le public prend-il le temps de lire ? L’image ne domine t’elle pas sur les mots de nos jours ?
Thibault de Watrigant : Bonne question, un peu épineuse mais on parle ici d’un réel sujet de société !
Sur artshortlist.com, nous publions en moyenne un article par semaine. Notre média est très apprécié dans les pays francophones, il est aussi disponible en anglais. Notre lectorat se compose d’un public international : Inde, États-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, Chine, Brésil, Japon, etc.
Les utilisateurs de Art Shortlist prennent le temps de lire, mais il faut reconnaître que sur ce point les pratiques évoluent avec les nouvelles générations. Aujourd’hui, l’évolution tend vers l’immédiateté donc l’information doit être concise et pertinente.
Il ne faut surtout pas perdre espoir, car la lecture reste une pratique précieuse et même nécessaire. Les médias traditionnels privilégient des contenus commerciaux, souvent peu intéressants et redondants, décevants les lecteurs.
Nos articles sont produits pour informer directement nos lecteurs et leur offrir une compréhension du monde de l’art la plus concrète possible. En proposant des approches différentes, nous nourrissons une communauté exigeante et curieuse.
En parallèle, nous publions de courtes vidéos sur Instagram, YouTube, et même sur TikTok depuis peu, tout en restant fidèles à nos valeurs de vulgarisation de l’art.
Sonia Jebsen : Quels sont vos artistes favoris passés et contemporains ?
Thibault de Watrigant : Cette question est sans doute la plus difficile parmi celles posées aujourd’hui (rires). Mon choix porterait sur Johannes Vermeer, pour son immense impact dans l’histoire de l’art et la précision incroyable de ses peintures. Son travail me fascine car il dépeint à la fois l’intimité d’un moment quotidien et une vision de la réalité qui paraît à la fois magnifiée et profondément humaine.
Paul-César Helleu occupe une place particulière dans mon cœur, ayant grandi entouré de ses œuvres. Je suis d’ailleurs impliqué dans le comité de l’association des Amis de Paul-César Helleu. Nous sommes d’autant plus heureux que le musée Bonnat-Helleu de Bayonne devrait rouvrir ses portes fin 2025 après un important projet d’agrandissement et de modernisation, qui en fera une institution culturelle de premier plan entre Bordeaux et Bilbao. Ayant grandi au Pays Basque, je ne peux que me réjouir de cette nouvelle !
J’aimerais aussi citer Sonia Delaunay, Joan Miró et Jean-Michel Basquiat, sur lequel j’avais écrit mon mémoire de fin d’études.