Entretien avec Charlotte Debraine-Molina , Fondation Salomon
Vernissage à LA FabriC
Sonia Jebsen – février 2024
Dans la famille Salomon, il y a le père, Georges (1925-2010) inventeur et pionnier de l’industrie du ski, créateur de l’entreprise mondialement connue. Puis vient son fils Jean-Marc, architecte de métier et collectionneur d’art. En 2001, lui et son épouse inaugurent leur Fondation d’art contemporain au nom éponyme. Initialement installée dans les murs du château médiéval d’Arenthon, elle déménage dans l’atelier de l’entreprise familiale au cœur d’Annecy et baptisée La FabriC, en hommage.
Entretien avec un personnage clé à la Fondation : Charlotte Debraine-Molina
Sonia Jebsen : Quelles études avez-vous suivi ?
Charlotte Debraine-Molina : Depuis l’enfance je nourris une appétence et une curiosité particulières pour le monde culturel et artistique. Mon cursus comprend un bachelor à l’Icart et une spécialisation en expertise des œuvres d’art. En parallèle, j’ai développé des compétences de guide-conférencière. Aujourd’hui, ces formations me permettent d’avoir une vision globale du milieu culturel et de son fonctionnement.
Curieuse professionnelle, Sonia part toujours un appareil photo à la main, pour partager les beautés de la région ou sa passion pour l’art et les artistes.
Sonia Jebsen : Dans quelles circonstances avez-vous croisé le chemin des Salomon ?
Charlotte Debraine-Molina : Notre première rencontre s’est déroulée lorsque j’étais étudiante-stagiaire durant un salon d’art à Paris. J’étais en charge de leur accueil. Au bout de dix ans de vie parisienne, je suis retournée dans la région de mon enfance. Je vis à présent entre Annecy et Genève. En 2018, j’ai été engagée à la Fondation suite à l’introduction par Philippe Piguet, commissaire d’exposition et critique d’art, en poste à Thonon-les-Bains.
Sonia Jebsen : Décrivez-nous votre rôle
Charlotte Debraine-Molina : Nous sommes deux employés, par conséquent mon poste exige de la polyvalence, comme pour toute petite structure. Mes responsabilités vont de la programmation culturelle et artistique, au développement des publics, de la création et diffusion des supports de communication à la gestion administrative.
A cela s’ajoute l’organisation d’évènements hors-les-murs, de sorties et voyages pour les Amis de la Fondation. Sans oublier le programme de résidence qui offre au/à la lauréat (e), depuis 2015 une résidence de six mois à New-York (de janvier à juin) incluant un atelier à l’ISCP et 24.000$ de bourse d’aide au logement.
Sonia Jebsen : La ville d’Annecy met à votre disposition l’Abbaye, un espace de 200m2 pour trois expositions par an . Que proposez-vous au public dans ce lieu ?
Charlotte Debraine-Molina : Jean-Marc Salomon souhaite offrir aux visiteurs la découverte d’artistes émergents ou confirmés au travers d’expositions monographiques ou collectives.
Nous avons eu le grand privilège d’accueillir les oeuvres du peintre Jacques Monory, de Giuseppe Penone du mouvement Arte Povera ou de la plasticienne Eva Jospin et ses merveilleuses sculptures en carton.
La Fondation Salomon s’appuie sur un vaste réseau relationnel qu’elle met au service de la Ville d’Annecy.
Sonia Jebsen : Que présentez-vous à la FabriC en comparaison ?
Charlotte Debraine-Molina : La FabriC est la maison-atelier familiale de Jean-Marc Salomon. Il y a grandi et vu son père révolutionner la pratique du ski moderne. De nos jours, la famille n’a plus de lien concret avec la marque, mais la charge historique est très présente.
Si L’Abbaye arbore des allures presque précieuses, La FabriC est tout son contraire : elle possède le charme de son passé industriel dans un quartier d’Annecy en pleine mutation urbaine.
A La FabriC, nous invitons des artistes à tâter le terrain de l’expérimentation et construisons des projets plus transversaux. A L’Abbaye, nous devons répondre aux attentes de la ville qui en est propriétaire.
Sonia Jebsen : La Fondation a misé sur la médiation culturelle notamment au travers d’ateliers et stages. Expliquez-nous vos motivations.
Charlotte Debraine-Molina : Le public se tient encore à distance de l’art contemporain, souvent étiqueté « élitiste et prétentieux ». Une exposition, si réussie soit-elle, n’a pas d’intérêt sans les visiteurs. Marcel Duchamp le clamait déjà en 1960 : «Une oeuvre d’art doit être regardée pour être reconnue comme telle ».
Nous avons donc mis en place plusieurs actions dans ce but grâce à des rencontres entre artistes et publics, des cours d’histoire de l’art contemporain, des visites commentées (aussi en langue des signes française) ou des ateliers pédagogiques. La Fondation mène également des actions hors-les-murs en intervenant par exemple à l’Hôpital de Chambéry ou dans certains établissements scolaires du département.
Sonia Jebsen : Quel est le programme pour 2024 ?
Charlotte Debraine-Molina : L’Abbaye-espace d’art contemporain accueille un des artistes soutenus par les Salomon depuis 20 ans : Julien Beneyton, jusqu’au 21 avril 2024. Il inaugure avec Ghetto Bird le premier volet d’un cycle sur l’urbanité et l’humain dans son environnement, L’artiste Philippe Cognée , reconnu pour ses toiles à l’encaustique, sera mis à l’honneur du 24 mai au 28 août et présentera des oeuvres produites spécialement pour l’évènement.
Le dessin est à l’honneur à La FabriC . L’exposition « Anima » a pour but de mettre en valeur les liens et les porosités qui existent entre le dessin contemporain et le dessin d’animation. Une thématique chère à la ville d’ Annecy, capitale mondiale du film d’animation. Elle sera visible du 19 avril au 12 octobre 2024.