Agrigente, 1954, Nicolas de Staël
Huile sur toile, 60 × 81 cm
Collection particulière/ courtesy Applicat-Prazan, Paris
Sonia Jebsen – mars 2024
Le 16 mars 1955, le peintre franco-russe Nicolas de Staël mettait fin à ses jours à l’âge de 41 ans à Antibes. Cette mort tragique a renforcé le mythe autour de l’homme élégant et charismatique occultant à tors son oeuvre prolifique et sa quête artistique permanente. L’accrochage à la Fondation de l’Hermitage dévoile au public une centaine de toiles, dessins et carnets provenant de collections publiques et privées, aboutissement d’une enquête menée par les commissaires d’exposition durant trois ans. La rétrospective réalisée en partenariat avec le Musée d’Art Moderne de Paris est visible jusqu’au 9 juin prochain.
Derrière le mythe, un artiste avant tout
L’oeuvre de Nicolas de Staël a t’elle souffert de préjugés ou d’une classification abusive d’artiste essentiellement abstrait ? Lui qui revendiquait une totale liberté en la matière. « Je n’oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture doit être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d’un espace. »
Sa fille, Anne de Staël, raconte dans un entretien la tension qui régnait dans l’atelier lorsque son père travaillait. Jouant des couleurs sur la palette, l’artiste passait de toile en toile avec une telle concentration que le silence s’imposait. A 41 ans, il comptait à son actif plus d’un millier d’oeuvres et presqu’autant qu’il avait détruites ! La peinture est une soupape de sécurité essentielle, un exutoire à cette frénésie artistique.
Curieuse professionnelle, Sonia part toujours un appareil photo à la main, pour partager les beautés de la région ou sa passion pour l’art et les artistes.
Une technique picturale sans cesse renouvelée
L’exposition se déroule selon un parcours chronologique imposé, démarrant pour l’occasion en sous-sol. En effet, Nicolas de Staël a constamment réinventé sa peinture, l’utilisation des couleurs, et de la matière. Durant une dizaine d’années (1940-1953), c’est à coup de couteaux, de truelles ou de taloches trempées dans la peinture à l’huile qu’il a « construit » ses oeuvres. Que voyons-nous dans ces strates aux tons froids et chauds ? Des grilles, des murs, des barrières ?
La représentation du paysage domine l’oeuvre de ce voyageur en constante recherche d’équilibre. Aux débuts des années 50, la lumière du Midi agit comme un aimant. C’est l’apothéose ! Sa peinture s’allège, la matière devient fluide et lisse. Les couleurs vibrent d’un éclat irréel flirtant avec le mystique. Un voyage en Sicile en Agrigente déclenche un feu d’artifice de jaune, orange, violet, rouge sur ces toiles les plus célèbres.
A partir de 1952, l’artiste retourne aux natures mortes de ses débuts. Sur la toile, il dispose délicatement les couleurs à l’aide de coton et de gaze. Pommes, poires, bouteilles, pots, et surtout son jardin secret, l’atelier d’Antibes qu’il dévoile avant de s’envoler pour l’éternité.
« Le peintre aura toujours besoin d’avoir devant les yeux, de près ou de loin, la mouvante source d’inspiration qu’est l’univers sensible. »
La Fondation de l’Hermitage
Route du Signal 2, 1018, Lausanne