« Et puis Koblet vint… Alorstout ce que le cyclisme comptait de plus solide, de plus stylé apparut fragilepetit et gauche. »

Juin 1950, sous la plume de Jean Bobet, le journal l’Equipe consacre un jeune coureur suisse qui vient de remporter le Giro. C’est un coup de tonnerre,  le Tour d’Italie ayant été jusque-là exclusivement gagné par des sportifs transalpins.  

Un an après, le jeune homme enflamme à nouveau le monde du cyclisme sur le Tour de France en réalisant une échappée de 135 km devant les colosses de l’époque: Fausto Coppi, Louison Bobet, Stan Ockers, Gino Bartali, Raphaël Géminiani… Il remporte le maillot jaune avec 2’35″ d’avance sur ses poursuivants ahuris. Il restera vêtu d’or jusqu’à Paris. 

Hugo Koblet est né à Zurich en 1925, dans une famille de boulanger. Orphelin de père, il aide le commerce familial en sillonnant la ville à vélo pour livrer les gateaux. De ce petit boulot jusqu’au monde du sport professionnel,  il y a sur son chemin une rencontre avec un ancien champion suisse, Léo Amberg, qui l’embauche comme mécanicien dans sa boutique de cycles. Poussé par son patron, il participe à de petites compétitions qui confirment ses capacités.  Il commence réellement sa carrière sur la piste, avant de se lancer sur route poussé par Learco Guerra, ex-vainqueur du Giro en 1934.

Son palmarès est fulgurant entre 1946 et 1958, avec ces victoires mythiques sur le Giro et le TDF. Il s’adjuge également la médaille d’or lors du Grand Prix des Nations en 1951, une épreuve contre la montre aujourd’hui disparue. Il a la réputation d’être un « styliste du vélo », pédalant avec élégance et légèreté. Un charisme qu’il cultive en toutes circonstances: après avoir franchi la ligne d’arrivée, il sort d’une poche de son maillot une petite éponge pour essuyer la poussière de son visage et un peigne…  Il captive les photographes dans les compétitions comme à la ville. Sa notoriété explose et sa carrière de cycliste se mêle alors à une réputation de séducteur.

Mais le succès développe dans son sillage sa part d’ombre, l’envie de gagner devient vitale et tous les moyens sont bons pour rester sur le podium, notamment les amphétamines.  Il paiera de sa santé les conséquences du dopage, perdant son souffle et ayant de plus en plus de mal à finir honorablement une course.« On m’avait donné la grosse charge. Je roulais dans les nuages, ne sentant rien et j’avais l’impression de pouvoir rouler comme cela jusqu’au bout du monde. Mais dans les premières rampes, ce fut comme si on m’avait enfoncé un poignard dans le dos, je montais en zigzaguant sur la route, que je ne voyais plus qu’à travers un rideau », confie-t-il au journaliste sportif Serge Lang après un échec. Il se retire définitivement en 1958 à 29 ans. Descendu de vélo, la suite de son histoire se déroule dans les tabloïds au rythme de ses relations amoureuses, entre actrices et mannequins. 

Le 6 novembre 1964, la Suisse est secouée par une nouvelle tragique: Hugo Koblet a percuté un arbre au volant de son Alfa Roméo blanche. Sur la route, aucune trace de freinage… Il disparait ainsi à 39 ans, une sortie de piste à la « James Dean » pour un champion de légende qui marque  l’âge d’or du cyclisme suisse avec une image de jeunesse rebelle et éternelle.

Claire-Alice Brenac, juillet 2015

Biopic de Hugo Koblet, réalisé en 2010 par Daniel Von Aarburg


Commentaire de Pierre-Etienne Joye à propos d… par