D’Equilibres en déséquilibres, 1 et 2, 2022, huile sur lin, Rebecca Brodskis, ©NeigeSanchez
Sonia Jebsen – mai 2022
La française Rebecca Brodskis expose ses « Equilibres » chez Fabienne Lévy à Lausanne jusqu’au 4 juin prochain. Cette galerie de portraits anonymes nous interpelle indubitablement. Au-delà de l’élégante esthétique de ses oeuvres, l’artiste dépeint une humanité fragile toujours en quête du sens de la vie.
Une artiste nomade
Rebecca Brodskis (1988) grandit au contact d’une grand-mère peintre vivant au Maroc. Son père, lu, s’est entouré d’artistes. A 18 ans, elle entame des études aux Beaux-Arts à Paris, puis au Saint Martin College of Art and Design à Londres. Elle avoue ne pas avoir obtenu son diplôme car elle n’était pas en phase avec le système. Un choix est à faire professionnellement, la peinture devient son métier. Les conséquences sont lourdes car les finances sont maigres et le quotidien difficile. Elle s’envole vers New-York et travaille comme assistante pour l’artiste norvégien Lars Laumann. De retour en Europe, la jeune femme s’installe dans un atelier à Berlin. En parallèle, elle suit des cours en sociologie sur les thèmes de la vulnérabilité et de la crise sociale.
Curieuse professionnelle, Sonia part toujours un appareil photo à la main, pour partager les beautés de la région ou sa passion pour l’art et les artistes.
Nous vous livrons deux citations collant à merveille à la philosophie de vie de Rebecca Brodskis :
« Celui qui voyage sans rencontrer l’autre ne voyage pas, il se déplace » d’Alexandra David-Neel.
« Une destination n’est jamais un lieu, mais une nouvelle façon de voir les choses. » de Henry Miller
Au travers des voyages et des changements incessants de lieux de vie, l’artiste échappe à la routine, au quotidien qui s’installe rapidement et implacablement. De cette manière, elle réinvente ses journées en modifiant ses trajets, et va de découverte en découverte. Le contact avec d’autres cultures est source d’enrichissement, de confrontation à la différence et alimente sans cesse son inspiration. Au contraire de Sartre, l’enfer ne sont pas les autres pour Rebecca Brodskis.
Une artiste fascinée par l’humain dans son infinie diversité
Rebecca Brodskis avoue son obsession pour l’être humain, inépuisable source d’inspiration. Les personnages qu’elle dépeint existent-ils véritablement ? Les portraits résultent d’un amalgame dont elle a le secret : à son relationnel amical, elle ajoute une pincée de rencontres additionnée d’une dose de fiction. Cependant, l’artiste s’interdit de travailler d’après des photos.
En parcourant l’exposition, que constatons-nous ? La récurrence des visages, des couleurs, du mouvement des corps, du jeu des mains. Regardez-mieux, l’artiste évite les différences entre les races uniquement suggérée par la couleur de peau. Tout en brouillant les pistes, elle rend ses personnages universels. Les visages sont impassibles, les regards similaires, les bouches pulpeuses gardent le silence. Pas de fioritures, pas de décor, chaque personnage prend la pose tout en élégance et sérénité apparente.
GALERIE FABIENNE LEVY
L’artiste et ses équilibristes
Rebecca Brodskis affirme son identité artistique. Sa technique picturale joue des contrastes entre des couleurs vives et mates, entre aplats et graphisme.
En abordant le thème de l’équilibre, l’artiste s’adresse surtout à « notre état mental : en effet, notre psychisme navigue sans arrêt entre équilibre et déséquilibre, stabilité et instabilité, espérance et peur ». Si rien ne transparaît dans les regards, les corps et les mains en disent long sur nos tourments, nos passions, nos combats, et nos espoirs. Les titres révèlent le sens des attitudes : Esperanza, Résistance, Chute libre, La prière, ou encore d’Equilibres en déséquilibres…
Pareils à des acrobates ou des funambulistes, les humains de Rebecca Brodskis se débattent dans cette spirale sans fin qu’est le cycle de la vie. Le mouvement est essentiel pour garder l’équilibre, rester en vie.
« Nos vies sont faites de tout un réseau de voies inextricables, parmi lesquelles un instinct fragile nous guide, équilibre toujours précaire entre le coeur et la raison ». Georges Dor