Virginie Hours – septembre 2021
Rares sont ceux qui aiment la montagne et ne possèdent pas dans leur bibliothèque les 5 tomes de la saga « Le sommet des Dieux ». Car ce manga concentre tout ce que les passionnés recherchent : une belle histoire, des caractères bien trempés et des dessins de la montagne précis et détaillés.
Il n’est donc pas étonnant que le réalisateur Patrick Imbert ait eu envie d’en faire un film d’animation. Celui-ci sort sur les écrans français le 22 septembre, suscitant enthousiasme et inquiétude. Cette œuvre est-elle à la hauteur du manga culte ? Avis de Vincent Vachette, conseiller montagne sur le film.
« Le sommet des Dieux », un livre culte
La genèse…
Tout commence en 1994 lorsque l’écrivain japonais Baku Yumemakura publie, sous forme de feuilleton, « Le Sommet des Dieux ». Cette histoire rencontre un grand succès au Japon et marque les esprits, dont ceux du mangaka Jirô Taniguchi. Celui-ci décide de reprendre l’histoire et avec l’aide de l’auteur et signe entre 2000 et 2003 une adaptation en 5 tomes. Sa publication en France est un évènement et Taniguchi reçoit le prix du meilleur dessin au Festival d’Angoulême en 2005.
L’histoire…
Ce livre nous invite à découvrir l’histoire de l’alpinisme à partir de la disparition de Mallory et Irvine lors de leur tentative d’ascension de l’Everest. Avec cette interrogation persistante : ont-ils été les premiers hommes à gravir le « toit du monde » le 8 juin 1924 ? Lors d’un séjour à Katmandou Fukamashi, un photographe alpiniste, pense avoir retrouvé l’appareil photo de Mallory, dont le contenu pourrait enfin donner la réponse, mais celui-ci lui est volé. Il se lance à sa recherche et retrouve Habu Jôji, un alpiniste légendaire que tout le monde croit disparut…
Virginie Hours
« La vie est une aventure à vivre tous les jours » pourrait être la devise de non-stop Virginie. Elle aime tout ce qui bouge, mais sait aussi très bien se poser devant un bon film ou un bon bouquin…
Le manga transporte le lecteur par la complexité des personnages, leurs tourments et leur quête d’idéal. Le dessin, en noir et blanc, est très précis et fourmille de détails, notamment sur les grandes voies. Tanigushi et Yumemakura ont ainsi à cœur d’être totalement crédibles et de nous faire sentir chaque ascension, chaque chute. En cela, les pages racontant les trois jours qu’Habu passe sur la paroi des Grandes Jorasses (tome 2) sont saisissantes. Et puis, ce manga a également comme vertu de nous rappeler que le Japon est lui aussi un grand pays d’alpinistes…
« Le sommet des Dieux »
de Patrick Imbert
Sortie en France : 22 septembre 2021
Netflix a acquis les droits mondiaux (hors France, Benelux, Chine, Japon et Corée). La plateforme prévoit sa sortie dans les cinémas américains le 24 novembre, suivi de certains cinémas britanniques le 26 novembre, et le mettra sur le service de streaming le 30 novembre.
Le film…
Patrick Imbert a réussi l’exploit de synthétiser les cinq tomes en un film d’1h30. Celui-ci est d’autant plus attendu qu’il existe très peu de films d’animation sur la montagne. Le réalisateur n’est pas un débutant puisqu’en 2018, il obtient le prix Lumières ainsi que le César du meilleur film d’animation pour « Le grand méchant renard et autres contes ».
Pour coller le plus possible à la réalité, Patrick Imbert a sollicité l’avis de plusieurs spécialistes dont le français Vincent Vachette. Celui-ci, qui vit et travaille à Genève, a gravit l’Everest par la voie tibétaine (la voie historique de Mallory) en 2016. Il nous raconte sa collaboration avec Patrick Imbert et son ressenti face au film…
Entretien avec Vincent Vachette, conseiller montagne sur le film
A quelle occasion avez-vous fait la connaissance du producteur Jean-Charles Ostorero ?
En 2015, je fais la connaissance du producteur et scénariste Jean-Charles Ostorero à un dîner à Paris. Il vient d’acquérir les droits du livre « Le sommet des Dieux », je rentre de ma première tentative d’ascension de l’Everest, tentative stoppée par le fameux tremblement de terre. Nous parlons montagne et Everest. En 2016 après ma tentative réussie du sommet, je le rencontre de nouveau ainsi que Patrick Imbert.
Quel est votre rôle dans la préparation du film ?
Ils me demandent d’être leur « script doctor », voir le « conseiller montagne » : je dois relire les premiers scripts et en pointer les incohérences mais surtout alerter l’équipe des illustrateurs qui travaillent derrière leur ordinateur sur les invraisemblances de leurs dessins. Par exemple, un alpiniste ne tient jamais son piolet avec la pointe dirigée vers lui mais toujours dirigée vers la montagne. De même face à l’image d’un coucher de soleil sur la face de l’Everest, alerter qu’ils sont en train de dessiner la lumière du matin au lieu de la lumière du soir. Car le gros challenge fut de « coloriser » le film, les dessins du manga étant en noir et blanc. Et le pari est gagné. L’image est belle, les couleurs sont magnifiques et relèvent vraiment le film.
Vous avez vu le film en avant-première à Chamonix. Quelles ont été vos impressions ?
Si possible, il faut vraiment voir le film sur grand écran ! La trame tourne autour de l’Everest et d’Habu qui veut réaliser en solo la face sud-ouest. Le film est didactique et par exemple, explique très bien le mal d’altitude et ses risques. Il permet ainsi à un néophyte de comprendre les motivations d’un alpiniste pour se dépasser. Il y a de très belles phrases sur le sens de la vie mais ce film peut se comprendre à plusieurs niveaux. J’ai pu le voir avec ma femme et mes deux enfants qui ont 10 et 12 ans. Nous avons tous beaucoup aimé pour des raisons différentes. J’ai juste été un peu déçu par la musique mais « Le sommet des Dieux » reste un très beau film.