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Valott ? Sans le savoir, vous le connaissez.

La croix suisse, les nains, mumu cow, le dessin du samedi dans le journal 24heures… C’est lui !

Car comme Valott, de son vrai nom Jacques Vallotton, le reconnait lui-même, «mon défaut, c’est que je suis très éclectique. Les gens ne savent pas que c’est la même personne qui a dessiné tout ça !»

Rencontré à l’occasion de la sortie de son livre «Têtes de cordée» dans lequel il croque avec Gilles Chappaz les grands noms de l’alpinisme, il nous parle dessin, Brésil, Suisse…

Virginie Hours : Vous avez commencé votre carrière en 1985 en publiant un livre de caricatures intitulé « Swiss Monsters ». Vous voici de nouveau avec des têtes croquées pour le livre « Têtes de cordée ». Qu’est-ce que vous aimez dans la caricature ?

Valott : J’ai toujours aimé les visages car on ne connaît pas une personne tant qu’on n’a pas vu sa tête. J’ai passé mon enfance au Brésil. J’allais lire des bandes dessinées à la librairie française de Sao Paulo mais il n’y avait pas grand chose. Arrivé en Suisse, j’ai découvert les caricatures à travers trois auteurs français : Jean Mulatier, Patrice Ricord et Jean-Claude Morchoisne.  Leurs dessins n’avaient rien à voir avec ceux de la place du Tertre à Montmartre car ils étaient plus sophistiqués avec des ombres et des détails. Le dessin demande qu’on interprète car même si j’essaie d’être le plus près possible du vrai, il s’agit toujours de ma propre vision. Pour moi, la caricature ne vise pas à ridiculiser en rendant un visage grotesque mais à mettre l’essence de la personne en avant. Je suis peu physionomiste mais les visages m’intéressent à partir du moment où je dois les caricaturer.

© Valot / Glénat

VH : Y a-t-il des têtes plus faciles à caricaturer que d’autres ?

Valott : J’essaie de faire des caricatures comme on fait du bon pain, avec une bonne texture. Mais pour cela, j’ai aussi besoin de bons ingrédients, c’est à dire une bonne photo qui me servira de base et qui doit être choisie avec soin car elle doit caractériser le mieux cette personne… comme un logo, graphiquement et intérieurement, être la plus représentative. Les têtes de femmes sont aussi plus compliquées à caricaturer car elles montrent une image très différentes selon qu’elles sont maquillées ou dans l’action. Parfois, je privilégie des photographies iconiques au détriment peut-être de la personnalité même, par exemple avec Gaston Rebuffat, sa crête et son pull jacquard…

VH : Vous semblez donner beaucoup d’attention aux yeux… Ils sont parfois la seule touche de couleurs de vos dessins.

Valott : Pour moi, c’est le plus important puisqu’on dit que «les yeux sont le reflet de l’âme». Ils font la différence entre la mort et la vie, le vrai et le faux. Or, les montagnards, comme les marins (j’aimerais bien d’ailleurs faire un livre de caricatures de marins) ont vécu des moments où ils n’avaient pas le droit à l’erreur, où la vie était comme suspendue. Messner disait que l’alpinisme, c’est « l’instant exact présent« . Ils ont donc une intensité, une qualité de regard qui est de l’ordre du vécu, indescriptible mais qu’on perçoit. C’est vrai que Messner est presque félin, avec une lueur particulière…

© Valot

VH : Vous avez vécu 6 ans au Brésil mais quand on étudie vos autres dessins, on a le sentiment que votre source d’inspiration est exclusivement la Suisse : les vaches, la croix suisse, les nains, le couteau multi lames… Vrai ou faux ?

Valott : Je n’avais jamais remarqué ! En Occident, on a longtemps privilégié les textes au détriment de l’image au point que face à un dessin sans parole, on se sentait obligé de préciser «sans légende». Pendant mon enfance au Brésil, j’ai baigné dans des dessins de l’argentin Mordillo ou des bandes dessinées américaines. J’ai donc plus d’affinités avec les illustrations sans textes. En fait, j’aime les choses visuelles qui provoquent une sensation. Or, la Suisse est un pays où on parle trois langues. Il s’agit donc de faire quelque chose sans texte mais qui pourtant, «parle» à tout le monde.

Mes dessins sont souvent le fruit du hasard et le succès la conséquence d’un contexte favorable : il faut oser prendre des chemins qui nous emmènent dans des endroits qu’on aurait jamais imaginés. C’est ce qui s’est passé avec la croix Suisse qui est très forte graphiquement mais que bizarrement, personne n’avait pensé à reproduire sur des supports. On a commencé en 1999 en nous rendant compte que la croix suisse était « bannie » de l’exposition 2.0. et en la proposant sur des t-shirts, avec des cornes, une auréole… Et tout s’est très bien vendu. Je pensais aussi à une vache car on est en Suisse, mais personne n’y croyait. Alors, je l’ai dessinée de la main gauche (je suis droitier) pour la rendre la plus vraie possible… et ça a marché. Comme quoi, ce n’est pas terrible pour l’ego !

Les nains existent dans notre mémoire collective et ils ont été popularisés avec le film «Amélie Poulain». Je voulais jouer sur le graphisme, (faire croire que le trait est tellement simple que tout le monde peut y arriver) et les jeux de mots (nainmportequoi, naincompris, naincompétents…). Là, c’est plus francophone car il y a du texte.

Quant au dessin du spermatozoïde qui a conduit à la marque «born2be», il s’accompagne du slogan, «chaque être humain est un spermatozoïde qui a réussi…» et concentre beaucoup d’idées : la compétition, le génome des gens…

© Valot

VH : La Suisse romande compte de nombreux dessinateurs par rapport à la taille de sa population : Zep, Barrique, Mix et Remix, Burki, Chapeaute  Bénédicte Samba, vous… Avez-vous une explication ?

Valott : La Belgique est le pays de la bande dessinée, de l’absurde ; la France est le pays du verbe ; la Suisse serait le pays du multilinguisme, d’une communication efficace qui traverse les frontières. Nous sommes aussi dotés d’une position centrale qui nous donne la capacité de nous intéresser à tout sans nous prendre pour le centre du monde.

VH : Quelle serait votre définition du dessin parfait ?

Valott : J’aimerais faire un dessin qui soit indescriptible à la radio…