Virginie Hours – décembre 2019

Loin de l’image d’Epinal de la fête au parfum de cannelle véhiculée traditionnellement au cinéma, le réalisateur islandais Rúnar Rúnarsson nous offre dans son film « Echo » un regard plus réaliste sur ce que chacun vit pendant cette période.

Caustiques, drôles, cyniques, absurdes, tristes, touchants mais terriblement vrais, nous voyons dérouler sous nos yeux cinquante-six tableaux mettant en scène diverses situations : une conversation téléphonique, des retrouvailles, une dispute lors d’un dîner familial, une séance de solarium, des secours en montagne… Au-delà de la société islandaise, ce sont bien autant de miroirs de notre propre vie.

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Entretien avec le réalisateur Rúnar Rúnarsson…

Virginie Hours : Que représentent pour vous Noël et le Nouvel An ?

 

Rúnar Rúnarsson : Je n’ai pas une seule réponse car c’est une période très émotionnelle pour de nombreuses raisons. J’ai vécu de nombreux Noëls très différents dans ma vie : parfois seul, sans argent, dans un pays étranger, ne connaissant personne ; ou avec ma fille qui a 13 ans et qui adore cette saison…

En Islande, c’est un moment très important, très exigeant d’un point de vue social car on attend des gens qu’ils soient heureux, qu’ils soient de bons voisins et qu’ils puissent offrir le meilleur Noël possible à leur famille. Il peut donc y avoir un décalage dans les attentes de chacun. Et il se passe la même chose avec le Nouvel An. Certaines personnes adorent Noël et se fichent du Nouvel An et inversement ; d’autres deviennent mélancoliques car ce jour marque la fin d’une époque et le début d’une autre dont on ne sait rien encore…

Virginie Hours : Dans votre film, vous avez choisi de nous montrer cinquante-six scènes. Sur quels critères les avez-vous sélectionnées ?

Rúnar Rúnarsson :  « Echo » n’est pas un film classique avec une seule histoire à raconter. Le manuscrit prévoyait soixante-six scènes, j’en ai filmé plus d’une centaine et finalement j’en ai gardé cinquante-huit en comptant celles d’ouverture et de fin. Le fil rouge est la saison des fêtes et ce qui s’y passe… J’avais en tête un désir de poésie et j’ai sélectionné les scènes en suivant mon intuition.

Virginie Hours : Comment ces scènes ont-elles été pensées et tournées ?

Rúnar Rúnarsson : C’est une combinaison de scènes plus ou moins préparées et de scènes totalement improvisées. Il y a eu deux périodes différentes de tournage. Nous avons ainsi tourné aussi bien à Reykjavik qu’à l’autre bout de l’île, à l’affut de ce qui pouvait se présenter d’intéressant et demandant par exemple aux gens de rejouer une scène qui nous avait inspirés.

Aucun personnage n’est un acteur professionnel même si certains ont pris des cours. Par exemple, une des scènes montre un fermier au téléphone ; ce monsieur a pris des cours de théâtre mais il n’a jamais joué, il est un vrai fermier et joue son propre rôle.

Virginie Hours : Pouvez-vous nous expliquer le choix du titre « Echo » ?

Rúnar Rúnarsson :  Le film n’est pas censé se limiter à la culture islandaise ou occidentale, il s’appelle « Echo » car il se veut l’écho de notre société. Il est filmé en Islande mais aurait pu être filmé en Suisse. Toutes ces scènes en étant réunies deviennent un miroir contemporain qui vont au-delà des différences.… Les êtres humains sont identiques si on dépasse leur manière de s’habiller, de manger, car partout dans le monde ils se nourrissent des mêmes sentiments comme l’amour, la peur, le désir, la haine. Ce sont ces sentiments qui nous unissent plus qu’ils nous séparent.

Virginie Hours : Vous nous renvoyer des images parfois désespérées de la société ou alors pleines d’espoir et de tendresse. Pensez-vous être optimiste ou pessimiste ?

Rúnar Rúnarsson :  Cela dépend des jours, des sentiments que j’éprouve en me levant le matin. Parfois, je suis vraiment optimiste grâce à la jeune génération qui est formidable. En général, nous essayons de faire mieux que nos parents qui ont eux-aussi essayé de faire mieux que leurs propres parents… Mais c’est devenu moins évident avec le XXème siècle qui a vu des changements si rapides. Aujourd’hui, nous avons conscience que nous vivons dans des pays privilégies et nos enfants le savent aussi et s’en inquiètent plus. La prochaine génération et celle qui suivra seront moins matérialistes, plus ouvertes d’esprit et seront plus guidées par l’idée du bien.

En revanche, je ne suis pas optimiste quand à ma génération qui ne fait pas assez pour l’environnement et la société. Bannir des sacs plastiques ou interdire des pailles en plastique alors que des compagnies continuent d’extraire du pétrole à outrance ressemble à un pansement collé sur les plaies d’un grand blessé. Nous devrions changer radicalement notre manière de vivre mais nous sommes trop concentrés sur nous-mêmes.

« Echo » est le troisième long-métrage du réalisateur islandais Rúnar Rúnarsson après « Eldfjall » sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs en 2011 et « Prestir », vainqueur de la Concha d’oro en 2015 à San Sebastian. Cette fois-ci, il s’est lancé dans un film très personnel et particulier qui a été acclamé lors du dernier festival de Locarno.

« Echo » de Rúnar Rúnarsson

Date de sortie en Suisse romande : 25 décembre 2019

Date de sortie en Suisse alémanique : 26 décembre 2019

Date de sortie en France : 1er janvier 2020

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