Sonia Jebsen, Avril 2019
Partons à la rencontre de ce créateur, dont l’espace d’exposition se trouve à Genève, dans le fameux et très « arty » Quartier des Bains! L’adresse de la galerie, 8 rue de la Muse… qui dit muse, dit inspiration, et le designer, Philippe Cramer n’en manque pas! Sans doute sous l’influence de sa grand-mère galeriste et de son grand-oncle, éditeur de livres d’art, la fibre créative vibre très jeune en lui.
Sa voie professionnelle semble toute tracée, c’est décidé, il deviendra designer. Et quel succès pour cet homme élégant, porte drapeau du swiss made à l’international. Après ArtGenève fin janvier, Collectible à Bruxelles, en mars, il a gentiment accepté de nous recevoir avant son départ pour la Design week de Milan.
“Je me suis naturellement orienté vers le design, de manière plutôt instinctive”
Flashback sur son histoire… Né en 1970 à Genève, Philippe Cramer décide à la fin de sa scolarité de voir du pays et s’envole vers les Etats-Unis, où il intègre la fameuse Parsons School, à New-York, il y étudie le design industriel pendant quatre ans. Diplôme en poche, l’envie de rentrer au bercail le ramène vers les rives du Léman avec le projet de créer son entreprise en privilégiant le savoir-faire local mettant en valeur les codes esthétiques helvétiques. Soutenue par sa mère, qui croit en son fils chéri, Philippe s’en va découvrir la richesse de l’artisanat suisse, créant ainsi une important réseau composé de souffleurs de verre, ébénistes, sculpteurs sur bois, brodeuses, orfèvre… certaines de ces collaborations sont toujours d’actualité.
“Je ne suis pas un artiste conceptuel. Bien au contraire, je travaille avec l’émotion, je dessine de manière instinctive”
Ses sources d’inspiration : les voyages, les rencontres, les musées, les expositions, les livres, surtout garder les yeux et l’esprit ouverts. Un peu comme le corps avec le sport, lance Philippe, il faut exercer notre curiosité dès le plus jeune âge et la satisfaire régulièrement. Ainsi les sens en éveil, il absorbe les nouveautés, les tendances, les techniques pour alimenter sa créativité.
“Le processus de création comporte plusieurs étapes…Pour moi, tout démarre par un dessin manuel, presqu’ automatique, à la manière surréaliste”.
Le dessin est ensuite traduit grâce à l’informatique, et à des programmes spécialisés. Puis entrent en scène les artisans d’art et les ingénieurs pour assurer la réalisation de l’objet aux normes de qualité et de sécurité. Certains de ses projets prennent des mois, voire des années si la technique désirée n’est pas adaptée. Philippe Cramer se tient au courant des nouvelles technologies (impression 3D) et matériaux disponibles (PVD) au travers des congrés, foires auxquels il participe régulièrement.
Toutes les matières ont leur intérêt, mais le designer est surtout sensible au bois, métal, le verre coulé, soufflé, l’or… Les pièces sont produites en séries limitées, et il se plaît à réaliser pour des collectionneurs des pièces uniques y mettant toute son expertise et sa liberté de créer. Les artisans et les entreprises de fabrication se trouvent en majorité dans la région genevoise : un ébéniste et un orfèvre, à Satigny, les luminaires entreprise à Aubonne, un sculpteur au Petit Lancy. Et ce, afin de minimiser l’empreinte carbone, son côté éco-responsable!
” Le public est le bienvenu dans le laboratoire et la galerie, l’un ne va pas sans l’autre. On peut découvrir mes projets, me voir travailler sur mes prototypes et en même temps découvrir les objets finalisés”
L’univers de ce designer est empli de poésie, de rondeur, de fluidité. Priorité à la sobriété, aux formes pures, les matériaux sont respectés dans leur nature. Mais rien d’ennuyeux dans ses créations, la magic touch, c’est une couleur surprenante, la juxtaposition de matériaux, le jeu de lumières, les formes naïves… et un côté ludique indéniable qui met le sourire aux lèvres. Parmi les pièces emblématiques de Philippe Cramer, mettons en avant la famille de luminaires “Randogne”, en acier laqué, de couleurs et tailles variées (cf photo), les petits tabourets Baar, en chêne ou noyer, que l’on peut empiler les uns sur les autres pour créer une sculpture, le banc en noyer “Carat », à suspendre, orné de cristaux, lui conférant luxe et poésie, ou les vases “Ragaz” en verre laqué bicolore.
Concernant ses nouvelles créations, on a flashé sur les mobiles muraux “Captromancie”, en acier poli miroir et laque, d’inspiration Calder (cf photo) et les étonnantes “Specula”, « flaques » de verre coulé miroitisées. Et pour nous les femmes, la sélection de bijoux or et argent, agrémentés de pierres précieuses ou semi précieuses, ou dans des matériaux moins conventionnels, comme le bracelet Algorithmic Quartz, résine trempée dans l’or 24 carat, ou la bague en pâte à modeler durcie et dorée, Gold dipping. De quoi attiser votre curiosité!
Ce designer libre et indépendant s’est autorisé quelques partenariats au fil du temps lui ouvrant d’autres opportunités, l’accès à des techniques et matériaux, c’est le cas avec la ligne “Petit h” d’Hermès, fondée en 2010, par Pascale Mussard. Et quelle joie pour Philippe Cramer de travailler avec les artisans les plus qualifiés dans leur spécialité (le cuir en particulier) et d’enrichir ses connaissances à leur contact. Le concept de “Petit h” : utiliser les matériaux et objets laissés de côté pour défaut et les sublimer grâce aux talents des designers dont fait partie notre interlocuteur. : “C’est la première fois de ma vie qu’on m’a dit, venez chez nous, dans notre atelier, faites vos expériences, inspirez vous de ces matières… Liberté à l’artisan et à l’artiste, et à la rencontre des deux, une des plus belles formules que j’ai jamais entendues!”
Philippe, créez-vous en pensant à un public particulier ? “Non, en ce sens, je ne suis pas vraiment un designer, je ne travaille pas pour le bien collectif. Mon drive est l’impulsion créative, donc je tends plus vers l’artiste. Le design, art ou pas art ? Je considère le design comme une expression artistique à part entière, en raison de la recherche formelle et du travail des matières. Mais l’art a pour moi une dimension sacrée”. Est-ce qu’un objet, le plus précieux, soit-il peut inspirer le sacré ? Libre à chacun d’y répondre. Finalement, l’essentiel est qu’il existe des créateurs passionnés comme Philippe Cramer. Alors si vous avez envie de voir de l’original et du beau, allez toquer au 8 rue de la Muse, vous en ressortirez les yeux plein d’étoiles et des envies plein la tête.
Galerie Philippe Cramer
Rue de la Muse, 8
1205, Genève, Suisse
Lun – Ven : 10h – 18h
Samedi sur rendez-vous
tel : +41 (0) 22 321 48 12
mail :info@philippecramer.com