Sonia Jebsen – juillet 2024

Les rencontres humaines sont parfois des tremplins professionnels. C’est l’expérience qu’a faite la créatrice de bijoux, Emily Gargantini, en passant la porte de la boutique Chania à Nyon il y a quelques années. Reprenant cet élégant espace à son nom, nous l’avons  rencontrée pour parler de son parcours et de sa spécialité d’émailleuse, exigeant précision et innovation .

Sonia Jebsen : Après une année d’études à la HEAD et votre CFC de bijoutière-joaillère en poche, vous démarrez votre vie professionnelle. Dans quelles entreprises avez-vous exercé ?

Emily Gargantini : C’est dans la maison DeLaneau que j’ai été formée comme émailleuse.  Nous réalisions des pièces uniques, en partant du design du cadran jusqu’à l’emboîtage et parfois la fixation des bracelets avant les salons. Ainsi, j’ai acquis la plupart des techniques d’émaillage: le champlevé, le cloisonné, l’utilisation des paillons et surtout la peinture miniature sous fondant ou « technique de Genève », très recherchée de nos jours.

Puis chez Piaget, j’ai mis en place l’atelier d’émail. Assistée des designers, nous avons élaboré de A à Z les premières montres émaillées à l’interne. Mes compétences se sont considérablement enrichies au contact des divers services : du marketing à la vente, en passant par les ateliers de gravure, joaillerie, et le sertissage.

Curieuse de nature, autodidacte par choix, Sonia partage  sa passion pour l’art et les artistes situés en Suisse et en France voisine. Vous la rencontrerez sans doute déambulant dans des galeries, des musées, des espaces d’exposition ou des ateliers d’artistes, appareil de photo en main. Son but : diffuser les informations  par l’écriture, l’image et créer du lien entre les différents acteurs du monde de l’art de la région lémanique. 

Sonia Jebsen : Votre coup de foudre pour l’émaillage arrive durant un cours de gravure à la HEAD. Racontez-nous cette attirance pour ce matériau et son utilisation en création.

Emily Gargantini : Notre professeur nous avait proposé d’émailler une pièce tout juste gravée. Ce fut un coup de foudre immédiat pour cette poudre de verre qui une fois passée au four révèle des couleurs éclatantes. Plus jeune j’ai fait de la poterie et j’aimais cette transformation de la matière par le feu. Cet aspect un peu aléatoire, presque alchimique, me fascine toujours.

La poudre est appliquée minutieusement au pinceau mais  une fois séchée, elle peut être soufflée comme le sable par le vent. Seul son passage au feu assure la transformation et la fusion avec son support. La poudre d’émail offre une infinité  de couleurs introuvables dans les pierres précieuses. Matière inaltérable, elle traverse les siècles sans perdre de son éclat comme le prouve les montres de poche anciennes.

Chania Bijoux 

Rue de Rive 46

1260 Nyon

Sonia Jebsen : Après 15 ans dans le secteur horloger, vous vous êtes mise à votre compte en 2021. Et un jour, vous rentrez dans la boutique Chania à Nyon. Parlez-nous de votre rencontre avec la directrice Michelle Brunner.

Emily Gargantini :  Depuis mon plus jeune âge, j’admirais cette bijouterie  et il m’a fallu du temps et du courage pour sauter le pas.

Je lui ai présenté mes créations qu’elles a beaucoup aimées. Ainsi lui est venue l’idée de me transmettre son commerce. D’abord hésitante, j’ai compris qu’une si belle opportunité ne se refusait pas. Finalement, en janvier 2022, je m’installai dans la boutique, le début de ma plus belle aventure professionnelle.

Sonia Jebsen : Vos vitrines présentent vos créations et celles d’autres designers.

Emily Gargantini :  Une des vitrines est consacrée aux bijoux de créateurs originaires de Pologne, Allemagne, France, Italie ou Grèce. Chaque pièce est exclusive et réalisée à la main.

Sonia Jebsen : Où trouvez-vous l’inspiration ?

Emily Gargantini : Dans les matières, notamment les tissus, par exemple un motif sur une robe vue dans la rue, un effet de lumière créé par un accessoire. Alors, mon idée devient une maquette afin de parvenir à l’effet recherché.

Actuellement, je puise dans les drapés des créations d’Azzedine Alaïa, Donna Karan ou Alber Elbaz en recherche de fluidité. Je joue avec les effets de la gravure, du ciselage sur l’or, sous l’émail.

Sonia Jebsen : Créez-vous dans un esprit d’éco-responsabilité ? D’où provient l’or que vous utilisez ?

Emily Gargantini : L’or que j’utilise est recyclé et je collabore avec une petite fonderie familiale assurant la provenances des matériaux employés. De plus, je m’assure les services d’un diamantaire et d’une gemmologue basés à Genève. Ils sont très méticuleux avec la provenance des pierres. Leurs critères sont plus stricts que ceux établis par le processus de Kimberley par exemple.

Sonia Jebsen : Redonnez-vous vie à des bijoux anciens ?

Emily Gargantini : Je réalise de nomhreuses transformations sur des pièces avec lesquelles les clientes ont un fort lien sentimental. L’or peut être refondu et les pierres, desserties,remontées. L’impact environnemental est réduit au minimu dans le processus.

Sonia Jebsen : Quel bijou portez-vous quotidiennement et quelle est votre pierre précieuse favorite ?

Emily Gargantini : Je porte des alliances et des médaillons en accumulation.  J’associe l’ alliance offerte par mon père à ma mère  avec des bagues de ma création :  une alliance sertie de « milky diamonds » et une autre avec des diamants « champagne ». J’adore ces gemmes moins prisées mais au charme indéniable et riches d’une histoire.