Sonia Jebsen – juillet 2021
« Si vous voulez tout savoir sur Andy Warhol, vous n’avez qu’à regarder la surface de mes peintures, de mes films, de moi. Me voilà. Il n’y a rien dessous », affirmait l’artiste. L’exposition Pop Art Identities qui se tient à L’Auditorium Stravinski de Montreux nous propose de porter un regard en profondeur sur cet artiste prolifique, révolutionnaire et complexe. 160 œuvres originales et iconiques, réunies par le curateur Maurizio Vanni, nous font voyager dans l’Amérique de Warhol (1928-1987).
Une exposition autoportrait
L’artiste fan de musique crée l’affiche du Festival de Jazz avec Keith Haring pour l’édition de 1986. “Une œuvre de Haring se trouve en permanence dans l’Auditorium, pourquoi pas Andy le temps d’une expo, dit Maurizio Vanni. Deux buts ont motivé cet accrochage : la révolution artistique engendrée par Warhol entre les années 60 et les années 80. Il a bouleversé les codes artistiques : hyper production avec la sérigraphie, faire de l’art son business, rendre une œuvre banale, et la transformer en bien de consommation. Et l’écho des Pop Art Identities dans notre actualité avec des sujets brûlants tels que la puissance médiatique, l’homosexualité, transgenre, racisme, culte de la beauté … Les séries de Warhol révèlent des morceaux de sa personnalité, qui assemblées telles les pièces d’un puzzle, dessinent son autoportrait.
Curieuse professionnelle, Sonia part toujours un appareil photo à la main, pour partager les beautés de la région ou sa passion pour l’art et les artistes.
Warhol, l’artiste pop par essence
Apparu en Grande-Bretagne au milieu des années 50, le Pop Art prend toute son envergure aux États-Unis avec Jasper Johns, Rauschenberg, Roy Lichtenstein. En rébellion à l’expressionnisme abstrait, jugé rigide et trop intellectuel. Andy Warhol entre en scène, pur produit de l’Amérique des années 60. Il est né à Pittsburgh dans une famille pauvre d’immigrés tchèques. Sa mère Julia, dont il est le chouchou, sera sa meilleure amie, sa colocataire et sa muse, le guidant dans sa voie artistique. Illustrateur talentueux et publicitaire pour les magazines de mode (Glamour, Harpers Bazaar, Vogue), ce travailleur forcené n’a qu’un rêve : “Gagner de l’argent est un art, travailler est un art et faire de bonnes affaires est le plus bel art qui soit.” Le pouvoir de l’argent lui ouvre les portes d’un monde nouveau : la jet set et le star system (cinéma, musique, art). Warhol est fashionable.
Warhol, artiste témoin de « son » Amérique
«Chacun a son Amérique à soi, et puis des morceaux d’une Amérique imaginaire qu’on croit être là mais qu’on ne voit pas.»
L’Amérique de Warhol, c’est l’univers de la pub inspirant ses sérigraphies les plus mythiques, comme les boîtes de soupe Campbell ou les bouteilles de Coca-Cola, reproduites à l’identique, sans message, sans émotion. L’art, c’est déjà de la publicité. La Joconde aurait pu servir de support à une marque de chocolat, à Coca-Cola ou à tout autre chose.” Désacraliser l’art, sublimer le banal, le vulgaire, le réel. Warhol est fou du cinéma hollywoodien et des stars féminines. Pour Les séries Marilyn Monroe, il utilise une pub tirée du film Niagara. Warhol les réalise peu de temps après le suicide de la star en 1962. démystifie sa beauté en reproduisant cette image créée artificiellement par l’industrie cinématographique. Mais il en fait également une icône à l’instar de celles qu’il voyait dans l’église orthodoxe de son enfance. Andy Warhol était-il croyant ? Témoignages et décryptage de ses œuvres semblent le confirmer.
Ambitieux, Warhol entretient un rapport particulier avec l’argent. Ses représentations du billet dollar seul ou en sérigraphies jouent entre attraction et répulsion. Le pouvoir financier donne accès à tous nos désirs, mais fait-il le bonheur ? Warhol aborde d’une manière directe et non revendicatrice la politique mondiale des années 60 et 70 avec ses portraits de Mao colorés à souhait, ridiculisant finalement cette figure mythique. Et puis il y a les Kennedy et leur lot de tragédies, la mort, la violence, les accidents. Warhol reproduit les images piochées dans les journaux, les médias et nous les sert brutalement, sans filtre.
Sex and rock and roll
Warhol assume son homosexualité, mais ne l’avouera jamais à sa mère. A New-York, il fréquente l’univers underground avec ses fêtes luxueuses en compagnie d’hommes riches et célèbres. Cependant, il protège sa vie intime. L’artiste observe, questionne son entourage gay et s’en inspire pour son travail. « L’amour fantasmé vaut bien mieux que l’amour vécu. ne pas passer à l’acte, c’est très excitant », cette citation de Warhol parle d’elle-même.
Warhol était aussi un mélomane éclectique. Passionné d’art lyrique (Wagner et Maria Callas), l’excentrique Andy collectionne les disques de Judy Garland et d’Elvis Presley. Il a dessiné 50 pochettes de disques pour tous les styles : Aretha Franklin, Liza Minelli, les Rolling Stones. En 1965, il fait une rencontre le groupe Velvet Underground, dont la musique correspond à sa vision artistique. Il devient leur manager.