François Berléand dans « Last dance »
Virginie Hours – février 2023
Les hommes sont à l’honneur en ce mois de février ! Voici quatre films très différents qui brossent des portraits d’hommes riches et complexes : un retraité de 75 ans qui découvre la danse contemporaine pour respecter une promesse (Last Dance), un peintre italien doué et énigmatique (L’ombre du Caravage), deux frères qui cherchent leur chemin dans la France des années 90 (Un petit frère) et un homme solitaire prêt à tout pour se faire entendre (Peter K. – seul contre l’Etat).
Riccardo Scarmarcio dans « L’ombre du Caravage »
« Last dance » de Delphine Lehericey
Avec François Berléand, Kacey Mottet Klein, La Ribot
Sortie Suisse alémanique : 12 janvier 2023
Sortie Suisse romande : 1er février 2023
« Last dance » ou comment tenir sa promesse
Germain (François Berléand) est un retraité heureux, plutôt casanier et bourru ; sa femme Elise est son contraire, en mouvement perpétuel et tout en rire. Alors qu’elle s’est engagée dans une création de danse contemporaine, elle décède subitement. Germain décide alors d’honorer une promesse qu’ils se sont faite et va prendre sa place dans le ballet. Pensant que ses enfants, très inquiets et omniprésents, ne le comprendraient pas, il leur cache son engagement…
Après PuppyLove et Le milieu de l’horizon (auquel le Prix du Cinéma Suisse a attribué le prix du meilleur film et du meilleur scénario en 2020), la réalisatrice neuchâteloise Delphine Lehericey nous offre un troisième film très émouvant et réussi. A travers Germain, elle nous parle du deuil avec délicatesse et justesse. En parallèle, elle nous plonge dans le processus de création avec le personnage de La Ribot dans son propre rôle. C’est une formidable occasion de découvrir le travail de cette chorégraphe espagnole, lauréate d’un Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière à la Biennale Danza di Venezia en 2020. L’ensemble donne un film qui fait du bien avec beaucoup d’humour et une galerie de personnages attachants, François Berléand en tête.
Le film a gagné le Prix du public au festival de Locarno en 2022
« L’ombre de Caravage » de Michele Placido
Avec Riccardo Scamarcio, Louis Garrel et Isabelle Huppert
Sortie France : 28 décembre 2022
Sortie Suisse romande : 1er février 2023
« L’ombre du Caravage », qu’est-ce que l’art ?
Italie 1609. Accusé du meurtre de Renuccio Tomassoni, Michelangelo Merisi da Caravaggio (Riccardo Scarmarcio) plus connu sous l’appellation Le Caravage, a fui Rome et s’est réfugié à Naples. Il est déjà reconnu comme un grand peintre et ses œuvres ne laissent indifférents ni les riches familles telle la famille Colonna, ni les évêques. Comme il demande au pape sa grâce, celui-ci envoie un agent secret nommé l’Ombre (Louis Garrel) enquêter sur sa vie et ses relations.
Caravage révolutionne la peinture du XVIIème siècle par l’utilisation du clair-obscur et son caractère naturaliste. Sa vie (nul ne connait avec certitude les causes de son décès à l’âge de 39 ans) et son tempérament sont encore sujet à caution. Etait-il vraiment aussi violent, buveur et noceur que sa légende le dit ? Michele Placido nous donne sa version avec ce très beau film. Le scénario utilise avec intérêt le personnage de Louis Garrel qui par son enquête, nous fait entrer dans l’histoire et l’intimité personnelle et créatrice du peintre. La photographie en clair-obscur est un permanent rappel aux œuvres du Caravage dont on découvre peu à peu la complexité et la puissance. Souvent violent et sombre comme l’époque, le film est porté par la prestation de Riccardo Scarmarcio.
« Un petit frère » de Léonor Serraille
Avec Annabelle Langronne, Stéphane Bak et Ahmed Sylla
Sortie France : 1er février 2023
Sortie Suisse romande : 8 février 2023
« Un petit frère », à chacun son destin
A la fin des années 80, Rose (Annabelle Langronne) arrive à Paris avec ses deux plus jeunes enfants, Jean (Stéphane Bak) et Ernest (Ahmed Sylla). D’abord hébergée chez sa sœur, elle trouve du travail, puis s’installe à Rouen. Ses deux garçons cherchent eux aussi leur voie, entre études et amis. Nous accompagnons leurs joies et leurs difficultés sur deux décennies.
La réalisatrice Léonor Serraille s’est inspirée de l’histoire de sa belle-famille pour écrire le scénario. Il ne s’agit pas un film revendicatif sur les difficultés d’intégration d’une famille venue de Côte d’Ivoire mais de trois beaux portraits très différents. Elle filme Rose dans sa complexité et sans jugement, le « grand frère » Jean et sa rage intérieur et le « petit frère » Ernest plus doux et réservé. A leur manière, ils posent tous la question du fondement et de la définition de la réussite. Les comédiens sont excellents et attachants.
Un film sincère qui émeut.
« Peter K. – seul contre l’Etat » de Laurent Wyss
avec Manfred Liechti et Sibylle Brunner
Sortie Suisse alémanique : 10 novembre 2022
Sortie Suisse romande : 8 février 2023
« Peter K. » ou la force du désespoir
Après la mort de sa mère dont il s’est occupé jusqu’au bout, Peter K. (Manfred Liechti) apprend que sa sœur a décidé de vendre la maison familiale. Incapable de communiquer avec elle et ses avocats, il refuse de quitter son refuge et se bat, d’abord juridiquement puis physiquement, pour empêcher son expulsion.
Ce film est inspiré d’une histoire vraie, celle de Peter Hans Kneubühl qui a été poursuivi par la police pendant 9 jours avant d’être arrêté et emprisonné. Dès sa fuite en septembre 2010, le réalisateur (biennois comme Peter K.) s’est intéressé au personnage mais aussi aux réactions des autorités et de la population. Son film pose la question de la solitude grandissante, de la notion de folie et du regard de la justice sur les marginaux. Avec justesse et grâce au talent du bernois Manfred Liechti choisi pour sa ressemblance physique, Laurent Wyss nous plonge dans l’esprit tortueux de Peter K. et nous fait sentir ses craintes et son désespoir grandissant, comme un appel à l’aide.
Un film fort et dérangeant.
Manfred Liechti est nominé pour le prix du meilleur acteur suisse pour ce rôle.
Considéré comme irresponsable, Peter K. a été condamné en 2013 à des mesures thérapeutiques stationnaires. Il a vu le film et s’est déclaré satisfait de la version cinématographique.