Sonia Jebsen – juin 2019
L’artiste genevoise Katarina Boselli nous a donné rendez-vous à l’Espace Murandaz à Nyon. Elle y expose deux séries de travaux photo/collage jusqu’au 21 juin prochain, en compagnie de la peintre Brigitte Koch et du sculpteur Emmanuel Gillabert. Nous la suivions depuis quelques mois au travers de ses publications sur les réseaux sociaux et l’envie de la rencontrer nous titillait. Partons à la découverte de cette femme qui se livre à nous sans chichis.
Sonia Jebsen : Vous vivez et travaillez à Genève. Quel est votre parcours artistique ?
Katarina Boselli : J’ai toujours aimé les arts visuels. Dès mon plus jeune âge, j’ai dessiné et suivi des cours à l’école. Mais n’étant pas très studieuse, j’ai bifurqué au collège vers un apprentissage de graphiste. J’ai suivi tous les cours facultatifs de photographie proposés par l’école CFPA (anciennement Arts Déco), la base de la formation restant le graphisme. Cela m’a conduit à travailler dans diverses agences de communication et d’édition, le reste de mon temps étant consacré à ma créativité personnelle. J’ai finalement choisi la voie plus hasardeuse de l’ indépendance professionnelle. A présent, je jongle entre mes mandats et mon travail d’artiste, et ça fonctionne.
Sonia Jebsen : Quels sont vos outils de création favoris ?
Katarina Boselli : La base de mon travail est la photographie, mon outil de coeur. En tant que graphiste, et grâce à ma connaissance des logiciels, je me suis amusée à superposer les images, à travailler les transparences, les nuances. Une première série de photos a été exposée avec succès, mais il me manquait la partie “matière” de la création.
C’est ainsi que j’en suis venue au collage afin de reconstituer la photo au travers de différentes couches couleurs, noir/blanc, de brillance, du tramage, y ajoutant des touches de peinture. En général, j’ai toujours 2 oeuvres sur le feu, en raison de la durée de séchage… critère variable selon la pièce et la température. Parfois, j’accroche mon oeuvre au mur pour avoir un regard différent et la retoucher si nécessaire.
Sonia Jebsen : Revenons à l’accrochage à l’Espace Murandaz. Quels thèmes avez-vous mis en avant ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Katarina Boselli : Nous avons choisi deux thèmes, les “Scènes de films” et les “Grands Espaces”, un travail plus récent. Les “Scènes de films” expriment mon besoin de tranquillité, de méditation, de goûter aux joies simples de la vie face aux agressions extérieures permanentes. Le parallèle avec le cinéma est pour moi évident, un art porteur d’émotions, de souvenirs. La présence des femmes dans mon travail est un constat au fil du temps et pas un parti pris. Si j’utilise parfois l’image d’une icône, .je ne veux pas en abuser pour éviter un aspect « commercial ».
Mon travail photo/collage met l’accent sur la douceur contrastant avec la noirceur des films dont je m’inspire. Dans les “Grands Espaces”, j’ai inconsciemment fait disparaître l’humain, toujours présent dans mes oeuvres précédentes. C’est sans doute mon besoin d’air, de lumière après ce long hiver qui en est le souffle créatif. Un jour, quelqu’un a qualifié mon travail de mélancolique. Je ne nie pas cette tendance chez moi. La mélancolie ne suppose pas la tristesse.
Sonia Jebsen : Quel oeil portez-vous sur votre travail ? Vous considérez-vous comme une photographe à part entière ?
Katarina Boselli : Non, je n’ai pas fait une grande école de photographie. Je ne suis pas trop technicienne. J’ai adoré les cours d’argentique, m’enfermer dans un labo pendant des heures. Mais de mon point de vue, focuser uniquement sur la technique, la perfection du tirage n’est pas intéressant. Je privilégie le côté spontané du cliché. Je préfère une photo imparfaite si elle raconte une histoire. Comme pour la musique ou le cinéma, peu m’importe que le son soit pur, que l’image soit nette, l’émotion doit primer.
Sonia Jebsen : Quelle est votre actualité pour les prochains mois ?
Katarina Boselli : Je travaille avec le noir et blanc sur mes travaux en cours, et je teste des médiums différents. Etant éclectique dans mes goûts, difficile pour moi de choisir, je me laisse guider par mes envies. Cela peut paraître incohérent, mais au bout du compte, j’exprime qui je suis : j’aime le jour et la nuit, la ville et la campagne, le salé/sucré, la couleur et le noir/blanc, l’ombre et la lumière.
Concernant les expos à venir, je serai à Saint-Raphaël (France), début juin, pour Base’ art, le festival d’art contemporain et du mécénat. Puis, je présenterai des travaux de peinture et céramique petits formats, à la galerie Kairos (Carouge), dans le cadre de la grève des femmes, du 13 au 29 juin. Pour le reste de l’année 2019, aucune exposition n’est encore planifiée mais toute proposition est bienvenue.
Vous avez encore quelques jours pour découvrir les oeuvres de Katarina Boselli à l’Espace Murandaz. Nous avons découvert une artiste riche en émotions, avec un besoin de revendication tout en douceur. Son travail exprime ses ambivalences, son amour de la vie teinté de mélancolie, et parfois de colère. Elle avoue : » Je doute parfois, mais je garde la foi comme une urgence créatrice. Et je nourris ma confiance en pensant aux personnes qui apprécient mon travail et me soutiennent au fil du temps, ce sont de belles histoires de partage ».