Virginie Hours – janvier 2021
Les cinémas restent fermés. Certains films qui devaient sortir fin 2020 n’ont pas eu l’audience qu’ils méritaient. Bythelake propose des séances de rattrapage grâce à la plateforme filmingo.ch : deux documentaires (Histoire d’un regard et Les rivières) et une fiction (Yalda-la nuit du pardon). BTL propose aussi de redécouvrir un coup de coeur (Woman at war).
L’occasion de voir ou revoir les films qui nous ont marqués.
« Gilles Caron-Histoire d’un regard » de Mariana Otero
« Gilles Caron-Histoire d’un regard », itinéraire d’un homme de son temps
« Certaines de ses photos habitaient ma mémoire » relate la réalisatrice Mariana Otero. « La nôtre aussi », pourrions-nous lui répondre en découvrant les photographies dont le reporter Gilles Caron est l’auteur. Né en 1939 à Neuilly sur seine et mort au Cambodge en 1970, il aura été pendant 6 ans de tous les fronts, des rues parisiennes de mai 68 aux émeutes en Irlande du Nord en passant par le Vietnam. Si ses photos ont autant marqués nos mémoires, c’est certainement à cause de ce regard particulier qu’il posait sur les évènements, dû notamment à sa propre expérience de la guerre d’Algérie.
Ce documentaire nous éclaire aussi sur la puissance des images et nous incite à réfléchir sur les aspects éthiques et déontologiques du métier de reporter.
« Les Rivières », documentaire de Mai Hua
« Les Rivières » ou la recherche de sa vérité
Mai Hua est d’origine vietnamienne. Elle est divorcée, a deux enfants et sent confusément qu’elle porte un poids en elle qu’elle ne souhaite pas transmettre à sa fille. Suite à la réflexion d’un de ses oncles, elle décide, caméra en main et pendant 6 ans, de comprendre son histoire familiale en s’appuyant sur les récits de sa mère et de sa grand-mère. Elle filme cette quête pas à pas.
En 1988 la psychothérapeute Anne Ancelin Schützenberger publiait le livre « Aïe mes aïeux », et faisait découvrir la psychogénéalogie et l’analyse transgénérationnelle. Chacun d’entre nous est la résultante d’une histoire familiale sur plusieurs générations, les faits marquants de certains de nos ancêtres ayant une répercussion sur les générations suivantes.
Ce documentaire a comme vertu de nous montrer combien ce sujet reste toujours autant d’actualité et qu’il est souvent important de relire son passé familial pour éclairer son présent et reprendre son destin en main.
« Yalda-la nuit du pardon », de Massoud Bakhshi
Avec Sadaf Asgari, Behnaz Jafari.
« Yalda, la nuit du pardon » ou le prix de l’audience
En Iran de nos jours, Maryam 22 ans est condamnée à mort pour avoir tué accidentellement son mari Nasser 65 ans. Or, la législation prévoit qu’en cas de mort accidentelle, les familles de victimes peuvent gracier les coupables en leur accordant leur pardon. Une émission de téléréalité invite Mona, la belle-fille de Maryam à lui accorder son pardon en échange du « prix du sang » payé par les sponsors…
« Le prix du danger », « Mort en direct »… Le cinéma n’a pas fini de dénoncer les émissions de téléréalité qui utilisent le malheur des gens pour attirer les téléspectateurs. C’est l’objectif premier du réalisateur qui s’est inspiré d’une émission iranienne « nuit de miel » nommé Mah-é Asal (“La Lune de miel”), diffusé entre 2007 et 2018 pendant le mois de ramadan pendant laquelle un présentateur essayait d’obtenir en direct le pardon de familles de victimes. Ce film nous immerge ainsi dans un monde législatif bien spécifique où on évoque le prix du sang, la loi du Talion, le mariage temporaire ou éternel…
Très bien porté par Sadaf Asgari (Maryam), Behnaz Jafari (Mona) et Fereshteh Hosseeini (la mère prête à tout pour sauver sa fille), il est également un hymne aux femmes qui se débattent dans une société qui leur est hostile.
Le film a reçu le Grand Prix du Jury du Festival de Sundance en 2020.
« Woman at war » de Benedikt Erlingsson
Avec Halldora Geirharosdottir et Jörundur Ragnarsson
« Woman at war » ou David contre Goliath
Halla, une islandaise d’une cinquantaine d’année, aime passionnément sa terre d’Islande. A telle point qu’elle ne supporte pas le développement de la multinationale Rio Tinto et craint son impact pour l’environnement et les générations futures. Elle décide alors de partir en guerre contre tout un système…
Lauréat du prix LUX en 2018, le film de Benedikt Erlingsson (Woman at war ou Kona fer í stríð) est étonnant. Sous la forme d’un conte burlesque rythmé par un chœur ukrainien digne des drames antiques, il nous offre un beau personnage de femme pleine d’envie et de volonté qui, avec peu de moyens, devient l’ennemi n°1. Halldora Geirharosdottir est parfaite dans le rôle de Halla, la « femme des montagnes » et les paysages islandais, beaux à couper le souffle, suffisent à comprendre sa détermination à ce qu’ils soient préservés…