Affiche « Les cicatrices » ©Stéphanie Page
« Tes cicatrices font de toi la femme que tu es aujourd’hui ; elles t’ont conduite jusqu’ici. »
Sonia Jebsen – août 2022
« Nous portons les cicatrices de nos blessures. À nous de les honorer, car elles disent aussi que nous avons survécu et qu’elles nous ont rendus plus forts ou plus lucides.” Jacques Salomé
Andreia Glanville , créatrice de contenus audiovisuels et la photographe Stéphanie Page ont recueilli les témoignages de 16 femmes de tous âges sur leurs blessures physiques ou émotionnelles. Ce projet se concrétise avec l’exposition audiovisuelle à l’Espace Humanit’Art du 25/08 au 4/09 et à la Maison de la Femme à Lausanne du 22/09 au 4/10.
(Entretien réalisé à Nyon avec Andreia Glanville et Stéphanie Page)
« Certaines rencontres portent en elles la magie d’une évidence. » Valérie Cohen
Andreia Glanville se qualifie de créatrice et d’éditrice de contenus audiovisuels. Elle crée le podcast « De l’écriture à la voix »en 2021 dans lequel elle aborde ses expériences de vie. Stéphanie Page travaille dans le secteur financier. Sa passion pour la photographie est un exutoire créatif nécessaire.
Leur rencontre a lieu en 2020. Andreia flashe sur le travail photographique de Stéphanie découvert sur Instagram, son approche décalée et sombre résonne en elle. Sans doute s’identifie-t-elle dans ses histoires de vie cabossées. « J’étais déconnectée de mon corps, et j’avais besoin d’ancrage », commente Andreia.
Entre séances photo et déjeuners, elles échangent beaucoup. Le sujet de la femme revient en boucle. En résulte le projet « les cicatrices » en août 2021. Rapidement, un appel à témoins est diffusé sur les réseaux sociaux. « Nous avons été très surprises par la quantité de réponses favorables des femmes », confie Stéphanie. Sans doute une question de timing. « La parole se libère en décalage en Suisse par rapport à la France ou aux Etats-Unis réactifs au mouvement #MeToo… », constate Andreia.
Curieuse professionnelle, Sonia part toujours un appareil photo à la main, pour partager les beautés de la région ou sa passion pour l’art et les artistes.
« Nous portons les cicatrices de nos blessures. À nous de les honorer, car elles disent aussi que nous avons survécu et qu’elles nous ont rendus plus forts ou plus lucides.” Jacques Salomé
Andreia, l’amoureuse des mots, a mené les entretiens accompagnée de Stéphanie en observation. « Etre le porte-parole de ces femmes est un engagement ». Sa pratique du slam l’aide à absorber leurs mots et les mettre en forme fidèlement », commente Andreia. Hyper sensible et empathique, elle plonge dans la souffrance, ingère les émotions, respecte le rythme de chacune.
L’approche photographique de Stéphanie met en lumière chaque cicatrice sans aucun artifice. Le shooting est une mise à nu supposant courage et résilience. Le défi est de capturer les cicatrices invisibles : comment représenter l’abandon, le secret de famille, le harcèlement ? Certaines séances ont lieu dans des chambres d’hôtel, plus neutres sans doute pour s’abandonner à l’oeil du photographe. Les traces physiques incarnent les souvenirs douloureux et inesthétiques d’une césarienne, du feu sur la peau, de troubles alimentaires ou d’un cancer du sein… Stéphanie Page porte sur elles un regard franc et tendre en couleurs ou noir et blanc.
«La résilience est un processus interactif qui demande qu’il y ait rencontre. Seul, il n’y a pas de résilience possible». Boris Cyrulnik
Elles s’appellent Andreia, Natacha, Maëlle, trois témoignages parmi les seize que vous découvrirez chez Humanit’Art.
A 14 ans, Andreia vit deux abandons : celui de son père adoré, puis son premier grand amour. Pour remplir ce vide affectif immense, elle sombre dans l’hyperphagie, une boulimie alimentaire : 30 kgs en trois mois. 30 ans plus tard, son corps garde des stigmates : des vergetures. Quatre mois après la naissance de son deuxième enfant, Maëlle apprend qu’elle a une grave tumeur au sein. Un parcours du combattant débute avec chimio/radio et thérapies douces. Amoureuse de la vie, elle a appris à profiter de chaque instant, cette épée de Damoclès sur la tête. Adolescente, Natacha développe l’anorexie. La menace de l’hospitalisation est un électrochoc, elle reprend du poids, se bat contre ses démons soutenue par sa famille. Cette lutte a fait d’elle une femme forte et sensible. Elle est devenue thérapeute et transmet sa lumière aux personnes en souffrance.
Libérer la parole est bienfaiteur, thérapeutique pour soi-même et les autres. Le but de l’exposition doit servir de détonateur pour toutes les femmes en souffrance.