Sara Ashrafi à la galerie Renaissance, Genève
Sonia Jebsen – janvier 2024
Exposé dans la galerie Renaissance à Genève, l’univers pictural « insolite » de la peintre iranienne, Sara Ashrafi, interpelle les regardeurs. Dans son théâtre coloré, un tantinet loufoque et délicieusement provocateur, les personnages ont des allures de marionnettes ou d’artistes de cirque. Les oeuvres d’inspiration surréaliste contiennent quantité de messages subtiles à la sauce aigre douce. Vous êtes invité(e)s à les décoder.
A découvrir jusqu’au 23 février prochain.
Le périple d’une artiste
Sara Ashrafi voit le jour à Téhéran en 1981, deux ans après l’instauration de la République Islamique dirigée de main de tyran par les ayatollahs et autres guides suprêmes. Elle intègre l’Université d’art dont elle sort diplômée. A 13 ans, elle est engagée comme illustratrice et dessinatrice pour des magazines et des journaux puis expose en solo cinq ans plus tard. Ce parcours artistique précoce la fait voyager en Europe et aux Etats-Unis. La Suisse devient au fil du temps le pays des opportunités pour Sara. En 2022, elle atterrit à Genève avec sa fille, chargée de nouvelles toiles pour exposer à Nyon. Ce sera un aller sans retour.
« Comme à l’accoutumée, je suis arrivée quelques jours plus tôt pour préparer mes tableaux. C‘était une période bouleversée. Dans mon pays, mes peintures étaient censurées, les femmes exprimaient vivement leur révolte suite au décès de Mahsa Amini. Quelques mois plus tôt, la guerre éclatait entre la Russie et l‘Ukraine. » explique l’artiste.
Sara réside à Genève. En parallèle de sa peinture, elle collabore en tant qu’illustratrice avec le magazine Vivre ensemble.
Curieuse professionnelle, Sonia part toujours un appareil photo à la main, pour partager les beautés de la région ou sa passion pour l’art et les artistes.
Peindre pour mémoire
Sara a fréquenté une école d’art hors-la-loi : celle des autodidactes. Au fil de ses expérimentations sont apparus de « drôles » de personnages longilignes, affublés de membres pareils à des élastiques tendus entre le passé et le présent. « Je ne suis pas prisonnière de mon passé. Cependant de nombreux ponts invisibles se sont construits entre mon enfance et ma vie actuelle pleine de défis et de projets », raconte la peintre.
Les souvenirs constituent le précieux trésor de l’artiste. L’un d’entre eux lui a inspiré sa technique picturale particulière : le point de tricot. Les acteurs et actrices de ses toiles en sont habillés de la tête aux pieds. Elle joue des pinceaux comme des aiguilles. « Lorsque j’avais six ans, ma grande tante a coupé un pull et m’a tricoté un foulard que je porte encore. Elle m’a révélé le secret de la création avec son travail, la vie est un cercle, un éternel recommencement. » Raison pour laquelle elle croit à la réincarnation des âmes.
Avant-goût de l’exposition
L’artiste laisse libre cours à l’imagination des visiteurs devant ses toiles sans titre. « Mes oeuvres contiennent de nombreux messages plus ou moins évidents à décrypter. Leur donner un titre est restrictif. » explique t’elle.
Originaire d’un pays où la censure pèse de tout son poids sur la liberté d’être, de créer, de rêver, Sara Ashrafi s’affirme comme une artiste libre au travers de sujets tels que : la sexualité, le désir, le couple, la famille, les comportements humains. Au premier abord apparait une peinture poétique et délicate. Plus nous contemplons les oeuvres, plus nous découvrons de clés de compréhension. Un sourire s’esquisse, notre regard plonge dans celui des personnages, si limpide, si lumineux. Les yeux sont-ils le miroir de l’âme ?