Virginie Hours – décembre 2019
© Cosey / Glénat
Après nous avoir dévoilé comment Mickey avait rencontré Minnie, le dessinateur Cosey nous offre un portrait sympathique et énergique de Minnie dans son nouvel album, « Minnie Mouse, le secret de tante Miranda. »
Il en rêvait depuis longtemps…
Le lausannois Cosey, adoubé par la profession en 2017 avec le Grand prix du Festival d’Angoulême puis en 2018 avec le Grand prix de la Fondation vaudoise pour la culture, se fait plaisir à reprendre depuis quelques années les codes qui ont fait la renommée de Mickey et de Minnie tout en leur apportant sa touche personnelle.
«Mickey est un vieux rêve depuis que je suis gamin. En 1978, je suis allé me présenter aux studios de Los Angeles mais visiblement, le travail aurait surtout consisté en du dessin à la chaîne pendant une dizaine d’année avant d’espérer réaliser quelque chose qui m’aurait réellement intéressé. Donc, j’ai renoncé » nous raconte-t-il dans les locaux de la librairie Payot, avant une séance de dédicace. Mais cette envie lui reste. Alors il y a 5 ans, lorsque l’éditeur Jacques Glénat lui propose de faire un album de Disney (il avait négocié avec Disney de pouvoir éditer des albums qui seraient réalisés par des auteurs non employés par la firme), il s’empresse de dire oui… avec le sentiment de se mesurer à l’un des mythes énormes du XXème siècle !
Rencontre
Cosey et Minnie
Après Mickey et l’album « Une mystérieuse mélodie », il s’attaque donc au mythe de Minnie dont il veut nous faire découvrir la véritable personnalité, loin des clichés de petite souris craintive et suiveuse.
« Il n’y a jamais eu d’album de Minnie » nous explique-t-il, « et elle apparaît toujours comme la petite fiancée qui court derrière Mickey, toute gentille, un peu moralisatrice. J’ai eu envie de lui donner la parole et d’en faire l’héroïne à part entière de cet album.» En revanche, il se défend d’avoir été inspiré directement par le « girl power » : « Bien évidemment, j’ai réfléchi en tenant compte de toutes ces idées actuelles qui n’existaient pas lorsque Disney a créé Minnie, mais je me suis aussi inspiré de la part féminine que j’ai en moi, de ce que j’aime dans les femmes en général. »
Il nous offre ainsi un portrait réjouissant de Minnie, pleine d’une heureuse contradiction entre un côté timide fleur bleue rougissante et un caractère de cochon revendicateur… Avec lui, Minnie écrit une thèse, conduit un side-car, se moque de Pat Hibulaire… et ne veut surtout pas être enfermée dans sa cuisine ! A côté d’elle, la fidèle vache Clarabelle lui sert de gentil faire-valoir.
© Cosey / Glénat
Cosey et la couleur
Dans cet album aux tons légèrement sépia qui rappellent les premiers albums de Disney, on retrouve avec plaisir ses trois couleurs fétiches dont il dit qu’elles l’apaisent : les ocres qui sont des déclinaisons du jaune, les bleus et les blancs. « Certains lecteurs m’ont dit que ces couleurs les apaisaient aussi. Mais je ne sais pas si en réalité ce sont les couleurs, les histoires ou le dessin… car la couleur est également au service de l’histoire et doit au moins soutenir la lecture du dessin, transmettre des informations supplémentaires et éventuellement des sentiments. Ce qui fait du bien, c’est la relation entre les couleurs ; si cette relation est réussie, elle peut alors produire certains sentiments en nous. Je tombe ainsi amoureux d’arrangement de couleur» reconnait celui qui compare volontiers la couleur à la musique.
Cosey et les codes de Disney
Comme à son habitude depuis ses débuts, Cosey se met aux repérages avant de dessiner… Mais au lieu de s’inspirer des Alpes vaudoises où il réside comme pour son album « A la recherche de Peter Pan », il doit respecter l’univers Disney. « J’ai effectué les repérages dans tous les produits Disney des vingt premières années, que ce soit les premières bandes dessinées ou les premiers dessins animés » explique-t-il. Car il s’agit de respecter l’univers de Mickey et Minnie où la montagne est fantasmée et les pays fictifs. « Il faut jouer le jeu : à partir du moment où on veut emprunter cet univers, on ne peut pas faire n’importe quoi. Il faut respecter les codes de Disney » admet-il.
Mais ce qui fait la différence entre cet album et les autres réside sans doute, outre la qualité du graphisme, dans l’œil même de Cosey puisqu’il intègre dès qu’il peut dans ses dessins les informations glanées dans sa vie quotidienne. Par exemple, ce sera sa perception de la neige qui fond lors d’une ballade en montagne…
© Cosey / Glénat
Cosey et la gourmandise
L’album se termine par une recette de cuisine : un snowcake fait de neige et d’aiguilles de pin. Si l’idée vient de lui, il a bénéficié des conseils avisés de Cédrine Schär, pâtissière à Mézières. « La recette est faisable. C’est délicieux. On peut augmenter la proportion d’aiguilles de pin si on veut un goût plus prononcé » propose-t-il.
Cette recette est sa marque personnelle car ce n’est pas l’habitude des albums de Disney d’en publier. Mais il a hésité, ne voulant pas de nouveau réduire Minnie à une gentille fée du logis. « Avec cette recette, je n’envoie pas Minnie en cuisine. » s’excuse-t-il presque. « Elle a son caractère, elle conduit sa moto… Elle n’a pas froid aux yeux comme beaucoup de femmes ! »
Cosey et le plaisir de dessiner
« Je me fais plaisir depuis mes premiers albums, sans l’idée de viser un public précis. J’ai suivi mon instinct car j’étais conscient que c’était ce qu’il fallait faire. D’ailleurs il est facile de constater que le monde de la bande dessinée a beaucoup évolué depuis les années 1975 et la première apparition de mon personnage Jonathan dans le journal Tintin » concède-t-il.
Alors, peut-être n’y aura-t-il pas de suite aux aventures de Minnie car l’envie de changer est là… Et c’est ce qui donne aussi à cet album son caractère si particulier.