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Quand un géant rencontre un autre géant, c’est une rencontre au sommet…

Léonard Gianadda, père de la prestigieuse Fondation sise à Martigny, a invité en ses murs et pour la première fois, un des plus grands artistes contemporains français, Pierre Soulages , le Maître du Noir et de la Lumière. Ces deux forces de la nature ont dédié la plus grande partie de leur vie au service de l’Art.

Il faut savoir que cette rétrospective tombe à pic : la Fondation Gianadda célèbre 40 ans d’existence et de succès (1978-2018) et passera facilement le cap des 10 millions de visiteurs avec la 163ème exposition depuis sa création. C’est grâce à la collaboration étroite avec le MNAM-CCIC/Centre Pompidou (collection Soulages), les prêts de collectionneurs et du Musée Soulages de Rodez qu’ont pu être réunies, pour notre grand plaisir, une trentaine d’oeuvres réalisées entre 1948 et 2002 : peintures, goudrons sur verre et brous de noix (pigment extrait du noyer)… plus un cadeau du peintre avec cette toile de 2017 réalisée pour l’expo ! Le parcours de la rétrospective respecte un ordre chronologique dont se dégage l’évidence et l’harmonie de l’oeuvre immense de Pierre Soulages.

Ses sources d’inspiration : depuis toujours, sa quête de lumière le guide dans son travail.

Né à Rodez dans l’Aveyron (1919), Soulages est entré en peinture comme en rentre en religion : la révélation, la lumière, l’évidence ! Son environnement familial simple et austère et sa curiosité le poussent très vite à s’aventurer au-delà du familier dans sa quête de vérité. Les fondamentaux de son travail et de son oeuvre sont en lui dès son plus jeune âge… dessiner avec de l’encre sur le papier blanc un paysage de neige pour le rendre plus lumineux, étonnant, n’est-ce-pas ?

Sa vocation d’artiste se confirme à l’adolescence. « Avec le lycée, nous avions visité l’abbatiale de Conques. J’en suis ressorti admiratif. On avait créé cette abbaye avec la lumière! Et c’est là que j’ai décidé que je serai peintre”. Passionné d’archéologie et d’histoire de l’art, il découvre les peintures rupestres (Altamira, la grotte Chauvet) créés par ses artistes de l’obscurité ! Le noir n’est-il pas la couleur de nos origines, avant la naissance ?

©Laurent Dupuis

Photo : Laurent Dupuis – biographie du site web officiel de Pierre Soulages http://www.pierre-soulages.com/biographie/

En 1941, Soulages rencontre son âme soeur, Colette, et le couple part s’installer à Paris en 1946.

Il se consacre entièrement à la peinture. Des toiles abstraites, aux teintes sombres, et déjà la présence du noir. Le premier succès arrive très tôt lors de l’exposition au Salon des Surindépendants (1947), à Paris. Soulages attire l’attention de Hartung et Picabia, Fernand Léger… cet engouement pour l’oeuvre de l’Homme du Noir se propage en Europe, aux Etats-Unis, où il se frotte aux grands noms de l’expressionnisme abstraits tels que De Kooning, Motherwell ou Rothko, dont il sera très proche. La peinture abstraite est en vogue, une peinture aux couleurs vives à laquelle Soulages tourne le dos, leur préférant l’humble brou de noix, qu’il confronte magnifiquement au papier blanc. Une matière originale en peinture dont il tire des teintes allant du brun au noir.

Vous pourrez admirer plusieurs brous lors de la visite et vous rappeler de ce que dit l’artiste à ce sujet : “J’aimais sa puissance de couleur sombre et chaude. J’aimais aussi que ce soit un matériau banal et bon marché”.

Soulages aime surprendre et son utilisation du goudron (souvenir puissant d’une vision d’enfance), le consacre une fois de plus comme un artiste évoluant en dehors des courants traditionnels. Deux des trois oeuvres sur goudron sont exposées à la Fondation!

A matériaux originaux, outils originaux…

Depuis le début de son oeuvre, Soulages a préféré aux pinceaux traditionnels, des outils, oui les mêmes qu’il a découverts chez les artisans durant son enfance : brosses de peintre, racloirs, rabotins, couteaux… Il les met au service de ses techniques de pose et de raclage, “enlever, poser, découvrir”.

Si Soulages puise chez les artisans les outils et les techniques, ce n’est pas pour imposer une forme aux matières (comme le fait l’artisan), mais pour nourrir sa quête perpétuelle : “C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche” (leitmotiv depuis 1951).

Sur plus de 70 ans, l’oeuvre de Soulages décline tous les usages possibles de la couleur noire.

“Dans ma peinture…je distingue trois voies du noir… Le noir sur fond, le noir associé aux couleurs et la texture du noir.” trois approches qu’il aborde parfois simultanément et/ou alternativement selon les périodes de son oeuvre.

La série des “noirs sur fonds” couvrant les années 60/70 met l’accent sur les formes sombres se détachant sur fond clair. Au fil des toiles, le noir finit par envahir tout l’espace jusqu’au jour où… et il raconte : “Un jour de janvier 1979, je peignais et la couleur noire avait envahi la toile. Cela me paraissait sans issue, sans espoir”. Une journée de travail qu’il considère infructueuse ! Après avoir recouvert la toile de couches de noir successives, il l’abandonne toute une nuit… et c’est le lendemain en la regardant d’un oeil nouveau que la lumière surgit du noir.

L’Outrenoir, comme il le nomme, c’est son aventure au-delà du noir, dans sa quête sans fin de lumière, matière indispensable dans toute son oeuvre. Depuis cette révélation, Soulages s’exprime sur de plus grands formats et en 2004, les résines acryliques ont remplacé l’huile, lui permettant de travailler de nouvelles lumières à l’aide d’outils divers et variés (scarifications, entailles, stries, à plats).  A noter également que les oeuvres de Soulages ne portent pas de titres, trop restrictifs pour sa démarche, seuls la date, les dimensions et les matériaux qualifient ses toiles.


En conclusion, nous ne pouvons que vous encourager à vous rendre à la Fondation Gianadda pour découvrir ou redécouvrir l’oeuvre incomparable de cet artiste hors pair qui a fait et continue à faire couler beaucoup d’encre à son sujet.  La citation qui suit est une généreuse invitation faite par Soulages lui-même :

“L’oeuvre vit du regard qu’on lui porte. Elle ne se limite ni à ce qu’elle est, ni à celui qui l’a produite, elle est faite aussi de celui qui la regarde. Ma peinture est un espace de questionnement et de méditation où les sens qu’on lui prête peuvent venir se faire et se défaire”.

La rétrospective est à contempler en toute liberté d’esprit et de regard, au gré de la lumière toujours changeante chez Soulages.

Fondation Pierre Gianadda

Rue du Forum 59
1920 Martigny, Suisse

tel : +41 (0) 27 722 39 78

Tous les jours 9h-19h