Sonia Jebsen – juin 2023
Le sculpteur/graveur veveysan Etienne Krahenbühl tient une place prépondérante dans les jardins du Château de Vullierens avec la présence de douze oeuvres monumentales, dont la très sonore Big Bang.
En 2023, l’artiste investit la galerie du Château mettant en scène ses sculptures mobiles faites de métal et de polymères. « De l’oeuf à la poule, de la plume aux polymères » interroge le public sur notre consommation, le recyclage des déchets, et les solutions scientifiques pouvant alléger l’impact sur l’environnement.
Etienne Krähenbühl
Né en 1953 à Vevey, Etienne Krähenbühl a posé ses valises à la Sarraz et travaille divers matériaux dans un ancien atelier de l’usine Leclanché à Yverdon-les-Bains.
Après deux années d’études à l’Ecole des Beaux-Arts de Lausanne (1969-1971), il part découvrir Paris et Barcelone afin d’y suivre diverses formations sur l’histoire de l’art.
Si le métal l’a introduit à la sculpture (et pas l’inverse), l’artiste n’a de cesse de défier ce matériau qu’il pense être habité par l’esprit de la vie. En 1997, sa rencontre avec Rolf Gotthard, professeur à l’EPFL, a un impact déterminant sur son travail. L’artiste et le scientifique entament une collaboration de 16 ans autour de l’utilisation des « alliages particuliers à mémoire de forme » et « métaux super élastiques« . En « langage vulgarisé », certains métaux tels que le laiton ou le nickel-titane ont la capacité de garder en mémoire leur forme initiale et de retrouver cette configuration même après avoir été tordu ou chauffé.
Curieuse professionnelle, Sonia part toujours un appareil photo à la main, pour partager les beautés de la région ou sa passion pour l’art et les artistes.
La fusion de l’art et de la science au service des défis écologiques
Si les oeuvres d’Etienne Krähenbühl sont belles, l’esthétique n’est pas le but du processus créatif pour l’artiste. Chaque sculpture doit être porteuse de sens en lien avec notre société contemporaine et nos problématiques environnementales, telles que la pollution, et la gestion des déchets. En 2019, le sculpteur à l’âme d’explorateur a présenté au CAC d’Yverdon « Plastiques », une exposition de 780 estampes réalisées avec ses déchets produits sur une année !
L’étude de ce matériau envahissant l’amène à rencontrer le docteur Rudy Koopmans, spécialiste mondial des plastiques et enseignant à la HES-SO à Fribourg. Ce dernier est le directeur du Plastics Innovation Competence Center (PICC).
De la poule à l’oeuf. De la plume aux polymères
Le titre de l’exposition a t’il un lien avec ce fameux paradoxe « Qu’est-ce qui est apparu en premier : l’œuf ou la poule ? » Il y fait penser. L’artiste présente ici des sculptures et installations composées de métal et de polymères à base de plumes de poule broyées et mélangées à du collagène. L’utilisation de la biomasse animale dans ce nouveau travail ouvre le discours sur le recyclage des déchets à d’autres usages.
La magie opère tout au long du parcours grâce à l’association des matériaux et de contrastes visuels. Chaque sculpture, même la plus imposante, nous apparaît légère et prête à s’élever dans les airs, qu’elle soit garnie de plumes ou mise en mouvement par l’action de l’air. Plus que jamais inspirées par les notions de temps, de son et de mouvement, les oeuvres d’Etienne Krähenbühl appellent au toucher, et c’est autorisé voire même recommandé. Une impulsion légère de la main et la sculpture respire.
Des formes ovoïdes à l’aspect brillant, corrodé ou craquelé font penser aux oeufs de dinosaures.
Plus loin une mer de gants jetables (« Mer d’alors » … jeu de mots) illustre de manière percutante et poétique la pollution des eaux.
A l’entrée, l’oeuvre intitulée « On se brûle les ailes », telle une carcasse couverte de plumes, questionne notre avenir.
« L’unique chose stable c’est le mouvement, partout et toujours », Jean Tinguely
« C’est par l’expérience que progressent la science et l’art ». Aristote, « Métaphysique ».