Sonia Jebsen – juin 2021
“Respecte la fierté des lions, ne les mets pas dans des jardins zoologiques.” ― Karen Blixen, La ferme africaine
Le sculpteur italien Davide Rivalta s’est-il inspiré du célèbre roman de l’écrivaine danoise ? On pourrait le penser en se promenant dans les jardins du Château de Vullierens. Ce qui vaut pour les lions, vaut pour les autres animaux sauvages, 23 au total installés par l’artiste lui-même en osmose avec les sculptures monumentales et les jardins fleuris.
De l’atelier à la fonderie
Les sculptures sont réalisées par Davide en modelant une argile très liquide sur un squelette métallique. Une fois que la forme le satisfait, il passe au processus de fabrication de moules en caoutchouc de silicone. Avec ces moules, la fonderie artistique De Carli crée des figures de cire (positifs de l’animal). Elles deviennent les derniers moules utilisés par la fonderie pour couler le métal. Les pièces, désormais dans le matériau souhaité, sont ensuite soudées entre elles et perfectionnées par l’artiste pour réaliser la sculpture finale.
Curieuse professionnelle, Sonia part toujours un appareil photo à la main, pour partager les beautés de la région ou sa passion pour l’art et les artistes.
Le concept créatif
Davide Rivalta crée ses œuvres selon trois piliers fondamentaux : l’animal, le matériel et l’emplacement. En amont, l’artiste a longuement observé et photographié chaque animal en captivité afin de le reproduire dans une taille légèrement plus grande, effet visuel garanti. Si buffles, lions, babouins, loups s’admirent en toute liberté dans des contrées lointaines, la scénographie de l’artiste nous transporte dans cette atmosphère. « J’ai choisi de représenter non pas des images stéréotypées, impersonnelles, d’exemplaires de chaque espèce, mais de réaliser de véritables portraits individuels », indique Davide Rivalta.
Au-delà des matériaux
Les matériaux employés par le sculpteur prennent toute leur importance, mettant de côté leurs qualités esthétiques et (surtout en ce qui concerne le bronze) leurs implications historiques et sculpturales. Nous les humains cherchons souvent à contrôler et dominer ces créatures. Etrange car à Vullierens, les visiteurs ont naturellement des élans de tendresse envers les bêtes sauvages… une caresse, un regard admiratif. Fabriqués en bronze (ou en aluminium comme le rhinocéros), leur apparence n’est pas lisse, plutôt brute avec des arêtes vives. Comme pour nous rappeler qu’ essayer de leur imposer notre volonté comporte des risques.
La sculpture philosophique
Les lions nous accompagnent en file indienne dans l’allée principale, les buffles déambulent sur la petite plaine avec vue sur le Léman, le rhinocéros surgit de la clairière. Un babouin sagement assis prend la pose photo. N’étant pas installées sur un piédestal, les sculptures s’ancrent dans la réalité et l’espace environnant. Car animaux et humains foulent les mêmes espaces. Aux yeux de l’artiste, le sempiternel questionnement sur le sens de la vie : « D’où venons-nous, qui sommes-nous, où allons-nous » s’applique aussi aux autres créatures. Alors, l’intérêt des sculptures va bien au-delà de la fin du matériau, en incluant le paysage et l’interaction avec le spectateur.
« On n’a pas deux cœurs, l’un pour les hommes l’autre pour les animaux, on a du cœur ou on n’en a pas ». Alphonse de Lamartine