Virginie Hours – Janvier 2023
« La nuit, un seul aboiement me suffit pour identifier celui qui l’a lancé. Toutes ces heures que nous passons ensemble à courir et glisser en silence dans des solitudes blanches sont comme un dialogue silencieux qui renforce notre complicité » écrit Nicolas Vannier dans son livre « l’Odyssée blanche ».
Le valaisan Pascal Rebord connait ce sentiment. Champion du monde de course de chiens de traineau sur longue distance en 2022, il nous partage cette passion qui l’habite depuis 30 ans.
Entretien.
Comment a débuté votre intérêt pour la course de chien de traîneau ?
Comme beaucoup, j’ai d’abord commencé par des courses de sprint avant de dévier vers les courses de moyenne distance avec mon épouse Carole. Ensuite pendant 2 ans, nous sommes allés en Finlande dans la région des grands lacs pour des vacances ; la vue de ces grands espaces, la possibilité de se promener avec les chiens sans contrainte ont certainement été le déclic. Nous avons alors cherché un lieu où nous înstaller en Suède et nous sommes passés à la course longue distance.
La première course longue distance a eu lieu en 2003 : 300 km en traîneau de 6 chiens pendant 53h. Il fallait du courage car nous partions en autonomie complète, sans savoir pendant combien de jours. Et puis de fil en aiguille, nous avons continué jusqu’à l’année dernière où « nous » avons gagné. Je précise bien « nous » car ce sont les chiens qui ont gagné ; ils ont tiré le traîneau, ils ont eu la volonté de faire ce genre d’effort : 300 km en une trentaine d’heure avec un repos obligatoire d’une dizaine d’heures, soit en 20h environ.
« La vie est une aventure à vivre tous les jours » pourrait être la devise de non-stop Virginie. Elle aime tout ce qui bouge, mais sait aussi très bien se poser devant un bon film ou un bon bouquin…
Quelles sont les qualités nécessaires pour faire un bon musher ?
Il faut savoir prendre du plaisir au moment de la course, ne pas penser à la compétition, la nuit, le froid (– 20°C ou – 30°C), la solitude, les heures sur le traineau…. Le plaisir, c’est être avec les chiens, voir une aurore boréale, sentir qu’ils sont attirés par des animaux… C’est tout bête : plaisir et patience, aimer les grands espaces.
Je conseillerais ä ceux qui veulent se lancer de bien réfléchir. S’occuper d’une meute requiert du temps et peut impacter la vie de famille. Pour prendre du plaisir, il faut entraîner régulièrement les chiens, donc parfois se lever vers 4h du matin car le chien aime le froid. Ce n’est pas toujours facile par rapport aux contraintes. C’est un animal de compagnie multiplié par six.
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Quelle race de chien privilégiez-vous ?
J’ai des sibériens. Ce sont des chats dans un corps de chien. Ils ont un esprit très indépendant. Ils font ce qu’ils veulent quand ils veulent, quand ils ont envie. Ils sont donc très difficiles à guider.
Le chien de traîneau a été sélectionné depuis des siècles pour ses qualités de trait, il a l’habitude de faire du travail. Ensuite comme partout, il y a des fainéants… C’est la génétique qui a fait que cette race s’est améliorée. Comme le sibérien n’avait pas le caractère facile, l’homme l’a croisé avec d’autres chiens et a obtenu deux catégories, chiens de pure race et chiens dits batards.
Quel lieu conseillez-vous à quelqu’un qui souhaite s’initier au traîneau ?
Bien sûr, le réchauffement climatique a un impact sur le sport. Il faut se décaler dans le temps, s’entraîner en octobre et non dès septembre par exemple. Dans les pays nordiques, on note aussi moins de neige et elle arrive plus tard. Je ne crois pas aux courses de chiens de traineau sur herbe.Le chien n’est pas fait pour courir sur le dur, ce n’est pas bon pour les articulations, ou alors pas plus de 20, 25 km.
Pratiquer en Suisse est compliqué avec le manque régulier de neige. Le Glacier 3000 est l’endroit qui offre le plus de possibilités. Il est aussi possible d’aller dans le Jura. Mais si quelqu’un veut vraiment expérimenter le traîneau sur longue distance, il est préférable de s’offrir une ou deux journées en Suède ou en Norvège.
Envie de participer à l’aventure ?
A la mi-décembre, Pascal Rebord envoie ses quinze chiens en Suède, à Hökvattnet dans le Jämtland, pour qu’ils puissent s’acclimater à la neige et au froid. Il y reste jusqu’à la mi-février, en fonction des courses qu’il planifie. A ceux qui seraient tentés par l’expérience, il propose de le rejoindre en Suède pendant sa période hivernale pour l’aider à s’occuper des chiens. Gites et couverts assurés…
Contact : pas-de-cheville@bluewin.ch
Petits lexiques :
Le musher est le meneur de chien. Le terme viendrait du français du XVIIIème siècle « marche », terme qui se serait peu à peu anglicisé en « mush ».
Le handler canin est le second du musher. Il prépare les chiens avant les courses, s’assure de leur bien-être au quotidien (propreté du chenil, etc).
Les épreuves de longue distance sont souvent des courses par étapes de 50 km sur plusieurs jours. Les mushers doivent être en totale autonomie, et donc transporter tout leur matériel sur le traîneau (tente, nourriture, etc).
Si vous souhaitez en savoir plus sur les courses de chien de traîneau (article bientôt en ligne…)