Sonia Jebsen – Février 2019
Curieuse professionnelle, Sonia part toujours un appareil photo à la main, pour partager les beautés de la région ou sa passion pour l’art et les artistes.
Non, l’univers des enchères ne se résume pas aux poids lourds que sont Sotheby’s, Christie’s, Artcurial, Drouot et cie… et dont la presse relaie les ventes records, des oeuvres adjugées à des prix astronomiques (on ne compte plus les zéros!), créant ainsi un véritable fossé avec la réalité de notre quotidien.
Cette médiatisation très récente ne reflète qu’une partie des transactions effectuées par les maisons de ventes dans le monde et en Suisse en particulier. Alors faisons tomber les préjugés, les idées reçues. C’est le sujet de notre rencontre avec Olivier Fichot, commissaire-priseur de Genève Enchères, créée en 2014 avec ses associés, Cyril Duval et Bertrand de Marignac.
Commençons par l’adresse de la maison de ventes : rue de Monthoux, aux Pâquis, à deux pas du lac Léman, et des hôtels luxueux de Genève. Les Pâquis, un quartier populaire et cosmopolite, et pourtant, c’est bien au numéro 38 que nous entrons, accueillies par Olivier, en blouse de travail, s’affairant derrière son ordinateur, préparant les prochaines enchères publiques qui auront lieu du 30 avril au 2 mai prochain.
“C’est bien, vous me voyez en action, en plein rush” lance t’il, “ donnez-moi 5 minutes et je suis à vous”. Nous avions préparé un questionnaire, mais il anticipe. On le regarde faire, curieuses. Puis Olivier Fichot se lève et nous fait découvrir les 600 m2 où s’accumulent les objets divers et variés, prochains lots de la vente de printemps. Un capharnaüm! La caverne d’Ali Baba de Genève Enchères. “C’est vrai c’est impressionnant, mais, bien entendu, pour la vente, chaque objet est mis en scène afin de le valoriser au maximum” nous lance Olivier. Dans cet immense espace, nous arrivons dans le deuxième bureau qui donne sur la rue, c’est là que débute notre entretien.
Sonia Jebsen : Olivier Fichot, merci de nous recevoir en plein boom en vue de la prochaine vente . Vous êtes un des trois membres fondateurs de Genève Enchères . Quels sont vos parcours et vos rôles respectifs dans l’entreprise ?
Olivier Fichot : Bertrand de Marignac est avocat de formation, Cyril Duval, historien de l’art, et moi-même, diplômé en France comme commissaire priseur. J’ai d’abord rencontré Cyril il y a six ans en arrivant à Genève. Nous travaillions dans la maison de ventes qui est, à présent, notre concurrent direct. Au bout de quelques mois nous avons décidé de quitter nos postes respectifs et de créer notre propre entité en joignant nos compétences très complémentaires dans le domaine des enchères. Bertrand nous a rejoint, faisant bénéficier la société de ses connaissances administratives et juridiques. Genève Enchères est née en septembre 2014 et la première vente a eu lieu en avril 2015.
Sonia Jebsen : Quelles ont été les motivations pour fonder votre entreprise ? Qu’apportez vous en particulier sur la place de Genève ?
Olivier Fichot : La première raison est le constat qu’il n’existait aucune concurrence à l’unique maison aux enchères, l’Hôtel des ventes, à l’époque. Cette dernière possédait un monopole dans la vente généraliste, touchant un public varié, du fait des estimations très larges : c’est-à-dire une fourchette de prix allant de quelques dizaines de francs à des prix plus astronomiques! Il est certain que toute concurrence ne peut être que bénéfique, et crée une certaine émulation.
Cela nous permet également de proposer des offres plus précises et en rapport avec l’attente des clients. La deuxième raison est que nous voulions présenter un concept différent, collant plus à notre génération, une version “moins poussiéreuse” de la maison de ventes traditionnelle. Nous désirions une approche plus humaine dans nos rapports avec les vendeurs. Nous avons aussi rapidement trouvé ces locaux d’une belle surface dans le centre de Genève, fonctionnels et modulables, qui nous permettent de conserver les objets et d’accueillir le public lors des ventes.
Sonia Jebsen : A ce propos, quel est votre comportement vis-à-vis des vendeurs ? D’où viennent-ils ?
Olivier Fichot : 99% de notre clientèle habitent la région lémanique. Nous avons fait des inventaires à Crans-Montana, Gstaad, et même les Quatre Cantons, mais c’est Genève qui est en tête de liste. La majorité des vendeurs s’adressent à nous à des moments difficiles, compliqués, douloureux de leur vie : des divorces, des décès, des faillites, des déménagements…par conséquent, il faut agir avec sensibilité et prendre en compte la valeur émotionnelle des objets avant tout.
Nous agissons dans une époque difficile du marché de l’art concernant le tout venant, comprenez les oeuvres classiques (mobilier, tableaux, sculptures…). Leur valeur actuelle a nettement baissé par rapport à leur prix d’achat! Donc il faut adapter notre discours pour ne pas trop bousculer, choquer les vendeurs, surtout lorsqu’ils reçoivent nos estimations, souvent bien inférieures à leurs attentes!
Nous ne faisons que trois ventes par an. La raison est que pour éditer un catalogue de plus de mille lots, nous devons respecter plusieurs étapes et des délais de réalisation avec nos partenaires tels que photographes, graphistes, experts… mettant en marche une grosse machine qui doit fonctionner de manière efficace. La plupart des objets en notre possession ne nécessitent pas de recherche trop poussée sur leur historique. On peut facilement retrouver leur origine, le nom de l’artiste, les authentifier.
Les difficultés viennent plutôt de pièces issues de fouilles archéologiques ou en provenance d’Asie. C’est là que notre enquête détective démarre. L’exemple le plus récent concerne le portrait de cheval, mis en vente en décembre dernier, retrouvé par hasard dans un appartement. Estimée à 3’000 francs, il a été vendu à 590’000 francs! Et ce grâce à l’avis de l’expert qui est arrivé tardivement, mais a été crucial au moment de la vente.
Sonia Jebsen : Quand un vendeur vous contacte, comment procédez-vous ?
Olivier Fichot : En premier lieu, nous demandons des photos des objets. Suite à cela, soit je me déplace, soit on organise le transport dans nos locaux. Quant il s’agit d’un inventaire de domicile (maison, appartement), je me rends sur les lieux bien évidemment. Etant une maison de ventes généraliste, nous travaillons sur l’évaluation de nombreux objets. Ceux que nous ne pouvons mettre en vente sont pris en compte par des brocanteurs. Nous prenons en charge la majorité des articles sans chercher uniquement la rentabilité dans nos choix. Ainsi les clients se sentent soulagés durant des situations parfois précipitées comme des déménagements, etc. Ensuite, une liste avec estimation est établie et validée par le client.
Sonia Jebsen : vous ne faites pas trop de publicité sur votre activité, alors par quel biais les clients vous connaissent-ils?
Olivier Fichot : Principalement par le bouche à oreille. Tout au départ nous avons passé une annonce pour la première vente, dans un journal local, mais sans succès! Les personnes qui nous approchent recherchent la confiance d’abord, la discrétion, car nous pénétrons dans leur intimité par notre travail. C’est ainsi que notre réputation se construit et de manière positive. Nous sommes aussi très présents dans les évènements artistiques tels que vernissages, foires. Nous avons eu l’occasion de présenter notre entreprise lors d’ateliers au Cercle des Menus Plaisirs, avec Frédéric Elkaïm, une expérience très intéressante. Mais nos journées de travail sont longues, donc il est compliqué parfois d’enchaîner avec des sorties, mais on joue le jeu autant que possible. Nous médiatisons principalement nos trois ventes annuelles et des collections exceptionnelles en présentation.
Sonia Jebsen : Votre clientèle est-elle plutôt jeune ou d’âge mûr ? Votre jeunesse dans cette profession est-elle un atout, un inconvénient ?
Olivier Fichot : Notre public est principalement d’âge mûr, parce que le monde des enchères leur est plus familier. C’est encore un univers peu fréquenté par la jeune génération qui lui préfère d’autres distractions. Nous constatons que notre relatif jeunesse attire une population parmi les quadras et trentenaires depuis quelque temps. Nous sommes trois exemples bien vivants qu’une maison de ventes aux enchères peut toucher un public très varié, à différents niveaux. Je suis moi-même peu conventionnel dans mon look. Au quotidien, je travaille en jean et baskets, avec ma blouse. Et surtout, j’essaie de faire mon travail de manière très professionnelle sans me prendre au sérieux! Respect, confiance, honnêteté n’ont pas d’âge et nous ont permis d’évoluer et d’asseoir notre image dans ce monde très particulier de la vente aux enchères.
A la fin de l’entretien, Me Fichot nous a présenté la deuxième vitrine de Genève Enchères, oh surprise! On y voit un Batman de belle taille et quelques produits dérivés du célèbre personnage de BD, Tintin. De quoi attirer les regards des passants, petits et grands. Un clin d’oeil décoratif pour faire tomber les barrières et attirer un public différent. Bravo à ce trio dynamique qui a réussi à positionner son entreprise sur la place de Genève. Adjugé, vendu, le commissaire priseur Olivier Fichot nous a conquises et convaincues d’assister à la prochaine vente en avril. Vous pourrez avoir un aperçu des objets sélectionnés lors de l’exposition publique les 26, 27 et 28 avril prochain (12h – 19h). La vente aux enchères publique se tiendra le 30 avril, le 1er et 2 mai.
Genève Enchères
Rue de Monthoux, 38
1204 Genève, Suisse
Lundi à Vendredi : 9h – 12h / 14h – 18h
tel : +41 (0) 22 710 04 04
mail : contact@geneve-encheres.ch