Sonia Jebsen – novembre 2020
Vous savez certainement ce qu’est l’art graffiti ? Mais le post-graffiti, quésaco ? Nous avons déniché l’Homme qui sait tout à ce sujet : Willem Speerstra, de la galerie du même nom à Bursins, village niché entre les vignobles de la Côte. Le collectionneur et galeriste nous dit tout sur sa passion du post graffiti qu’il nourrit depuis qu’il est tombé dedans étant petit !
Quid du post graffiti
Cet art urbain voit le jour à la fin des années 60 à New-York. Des bandes de jeunes issus des minorités s’emparent de supports urbains (des murs, rames de métro, bus) armés de bombes aérosols. Au travers de leur signature (tag), ils marquent leur territoire affirmant leur présence pour combler un manque certain de reconnaissance de la société. Considérés comme vandales, ces artistes sont l’objet d’une lutte acharnée menée par Mr Koch (le maire de l’époque) au début des années 80. Mais c’est peine perdue. Attisés par la curiosité et le succès grandissant du graffiti, les collectionneurs ouvrent la porte des galeries aux artistes. Le mouvement post graffiti est né, en passant du mur à la toile.
Curieuse professionnelle, Sonia part toujours un appareil photo à la main, pour partager les beautés de la région ou sa passion pour l’art et les artistes.
Une vie de collectionneur et galeriste
Venant d’Amsterdam, Mr Speerstra , grand collectionneur d’art, se rend à New-York, très intrigué de découvrir ces artistes faisant le buzz depuis un moment. Il rentre en Hollande avec quelques toiles dans ses bagages et ouvre sa première galerie en 1983. Son fils Willem grandit dans l’univers du post graffiti au contact des grands noms américains, tels que FUTURA, CRASH, DAZE, ou DONDI WHITE.
Après Amsterdam, et Monaco, s’ensuit l’ouverture d’une galerie à Paris en 1991 dans laquelle le jeune Willem fait ses armes pendant trois ans. Il travaille également comme assistant réalisateur dans un studio de dessins animés. Mais les déboires du monde de l’art sont ce qu’il sont… Il s’installe en Suisse romande en 2006 avec sa famille. Pourquoi choisir Bursins pour installer sa galerie ? “En plus de la situation géographique, il me fallait un espace pour stocker les œuvres, et exposer. Je cherchais également du calme pour recevoir les visiteurs et les collectionneurs et leur consacrer du temps de qualité”.
Les artistes de la galerie
Willem travaille dans la continuité de son père en exposant les artistes pionniers internationaux, tels que les américains Crash, Chris Daze Ellis, le français L’Atlas. A côté des poids lourds, on trouve des talents suisses comme David Weber aka SWOX, JAZY, Saype ou Xavier Magaldi. Sans oublier les femmes, toujours peu nombreuses, telles que l’allemande Annina Roescheisen ou la japonaise Mina Hamada.
Aujourd’hui, il se concentre sur la collection Speerstra construite conjointement avec son père. “Je continue à la faire évoluer par des achats, des prêts aux musées.” Son métier de galeriste, il le fait avec passion, et reconnaît la difficulté de tenir la longueur. Beaucoup de ses collègues ont déjà fermé boutique cette année. Nous nous battons pour nos artistes, pour les vendre, les soutenir. Car ils n’ont reçu que des aides minimes suite à l’annulation des évènements et projets.
Speerstra et le virtuel
La vente en ligne, Willem Speerstra l’utilise depuis 10 ans, mais seulement pour des petites œuvres comme des sérigraphies ou des objets ( art toys ). Nouveauté, le galeriste s’est associé à Greg Slinn, créateur d’Urbaneez, site de vente en ligne d’art urbain. En opposition à d’autres plateformes internationales qui proposent tout en vrac, notre espace virtuel permet aux visiteurs d’acquérir des œuvres de galeries ou d’ artistes spécialisés dans l’urbain. “Les ventes sont réalisées pour des passionnés par des passionnés”.
Une visibilité qui s’est avérée indispensable ces derniers mois ! Willem avoue un manque de vente physique durant l’année 2020. Quant aux artistes, ils ont réagi très différemment dans cette ambiance de paralysie et de blocage. Pour un petit nombre, leur créativité a été sérieusement affectée, pour d’autres, elle s’est vue incroyablement boostée. C’est le cas pour le jeune artiste vaudois Nicolas Bamert, aka l’Original.
Gravity, l’expo qui nous fait décoller
Nicolas Bamert est un visiteur régulier de la galerie, mais il était resté discret sur son travail d’artiste. « Suite au premier confinement, il m’a approché, confie le galeriste, avec une série abstraite hyper colorée intitulée Gravity. Vu la morosité ambiante, Willem Speerstra ne perd pas de temps en réflexion et monte l’exposition en deux temps trois mouvements. “Ce que j’aime chez cet artiste, c’est qu’il propose un travail soigné, et qu’il est carré”. Son travail m’a séduit, j’aime sa personnalité bienveillante et son professionnalisme. L’Original sème l’amour et la générosité partout où il passe, dans ses fresques, ses performances éphémères dans des lieux désaffectés, ses peintures sur divers supports
Avec la série Gravity, vous embarquez pour un voyage interstellaire abstrait et mystérieux décrivant notre relation originelle au cosmos, et notre quête d’harmonie et d’épanouissement durant notre vie. L’énergie transmise par les oeuvres provient de la liberté laissée par artiste lors du mélange de l’acrylique, de l’encre et l’aérosol sur la surface en verre glissante à souhait. Bleus, roses, jaunes, oranges, violets, verts et rouges offrent des contrastes explosifs, projetant des images du cosmos, des galaxies, du soleil, des étoiles, et de notre bonne vieille Terre. L’accrochage est visible jusqu’au 19 décembre prochain. Excellent voyage cosmique !