Sonia Jebsen – octobre 2019
Peut-être avez-vous croisé une sculpture de cette artiste franco-suisse, lors de vos balades sur la Riviéra vaudoise ? Mais c’est sans doute durant la Biennale de Montreux qui s’achève le 20 octobre prochain qu’Alexia Weill a fait le buzz avec une oeuvre très particulière “La Vague”. Elle a été immergée pour l’occasion dans le Léman : une Première! et en ressortira le 18 pour une autre destination.
En regardant de plus près cette oeuvre, elle dévoile des courbes féminines, une chevelure flottante, une sirène du lac! Une oeuvre douce et poétique décrivant la femme en action, prenant sa vie en main, surfant cette “Vague”. Sans doute à l’image de la vie d’Alexia Weill, une battante, osant relever les défis, se remettre en question pour vivre ses rêves.
Sonia Jebsen : D’où vient votre amour pour l’art ? Et décrivez-nous votre parcours jusqu’à la sculpture ?
Alexia Weill : Sans hésitation, cet amour est un legs familial. Je suis née à Paris. Mon grand-père maternelle, artiste peintre, possédait une galerie d’art. Notre appartement se situait juste au-dessus, et bien entendu, j’ai grandi dans cette galerie. J’ai assisté à toutes les expositions, cotoyé des artistes de renom ou pas,m’imprégnant tout naturellement de cette atmosphère artistique.
D’autre part, ma grand-mère maternelle était comédienne. Elle avait débuté à l’âge de cinq ans dans des films produits par les studios Gaumont, puis elle s’est tournée un temps vers le théâtre, notamment la Comédie Française. Elle a arrêté sa carrière à 25 ans, pour se consacrer à sa famille. Elle et moi avons beaucoup partagé à ce sujet. Et il y a aussi ma mère qui a étudié à l’Ecole du Louvre et a repris la galerie durant quelques années. Donc j’ai grandi au contact de ces trois personnages amoureux des arts et collectionneurs. A l’âge de 8 ans, j’ai déménagé à Nice dans notre maison de famille.
Mon bac en poche, j’ai finalement opté pour une formation dans le cinéma. L’école offrait des cours à Nice que j’ai suivis pendant deux ans, puis j’ai terminé la troisième année à Paris. J’ai vite commencé à travailler sur les plateaux de tournage en tant qu’assistante de réalisation pour des pubs, et des productions télé. Mais c’est un univers très hiérarchisé. En parallèle, passionnée de sculpture et de dessin, j’ai suivi les cours aux Beaux-Arts de Paris, et surtout du modelage avec un célèbre professeur de l’époque. Et puis, c’est l’installation en Suisse, à l’âge de 30 ans.
Sonia Jebsen : Pourquoi la Suisse et qu’advient-il de votre passion pour la sculpture ?
Alexia Weill : Mes parents y vivaient déjà. Enfant, j’ai passé la plupart de mes vacances en montagne, j’étais en terrain connu. J’ai fondé ma famille ici, je suis mère de deux enfants. Lorsque ma fille a eu six mois, j’ai eu envie de reprendre les cours de modelage. Et c’est durant un stage de sculpture sur pierre, que je tombe amoureuse de cette matière. Puis c’est la rencontre avec un artiste, compagnon de France. Il m’a enseigné toutes les bases de la technique sur marbre. J’ouvre alors mon premier atelier en Suisse, un départ à zéro professionnel, laissant derrière moi 10 années en tant que réalisatrice, cheffe de projets publicitaires (Publicis…). Mais mon souhait le plus cher était de m’accomplir comme artiste et d’exposer mon travail, en France au départ, puis la Suisse.
Sonia Jebsen : Expliquez-nous cette préférence pour la pierre ? Quelles sont les sensations par rapport à d’autres matériaux ?
Alexia Weill : Dès le départ, j’ai ressenti de la vie en travaillant la pierre.. Peu importe sa composition, elle m’insuffle l’inspiration. Chacune a une histoire, une provenance, et j’essaie d’en savoir le plus possible à ce sujet. Pour mes dernières oeuvres, j’ai utilisé différentes sortes de marbre, le turc, le Carrare, et le calcaire jaune du Jura, le basalt… Si le projet existe, la pierre est choisie en fonction de son aspect et de ses qualités. Sinon, c’est le face à face avec le matériau qui donne lieu à un moment magique dans l’atelier… la créativité à l’état pur. Je m’installe face au bloc, je le regarde, j’attends l’inspiration. En général, l’idée arrive comme un flash, un dessin en 3D. Et je me mets au travail.
Sonia Jebsen : Où puisez-vous votre inspiration? Quelle est la visibilité de votre travail en Suisse et à l’étranger ?
Alexia Weill : Evidemment dans la Nature qui nous entoure. Même si j’adore aussi la vie trépidante des grandes cités, comme New York ou Paris, j’ai un besoin absolu de reconnexion avec la Terre. Tous les soirs, j’admire les étoiles avant de m’endormir, j’ai besoin de promenades en forêt ou au bord du lac. Une grande partie des mes oeuvres se trouvent sur la rivièra vaudoise. Deux à Villeneuve, les Cercles Originels installés sur les quais et “Arboressence” dans le Jardin Médiéval. A Montreux, la “Vague” installée dans le Léman durant la Biennale et prochainement une à Aigle. J’ai aussi participé à l’exposition Ailyos Art Nature, durant l’été avec une sculpture, Archétype en marbre blanc).
A l’étranger, j’ai un contrat avec une galerie d’art new-yorkaise qui va présenter mon travail à ArtBasel Miami en décembre et Architecture Digest en mars 2020. Depuis octobre 2018, un agent artistique, basé à New-York, se charge de placer mes oeuvres dans des condominiums de haut standing ( dans le cadre du célèbre groupe Corcoran). Quelques galeries en Europe et une à Dubai exposent mes sculptures également.
Sonia Jebsen : Une autre de vos facettes est votre engagement en faveur de la cause féminine, et l’égalité hommes-femmes. Pourquoi et comment concrétisez-vous vos actions ?
Alexia Weill : C’est en relation directe avec mon histoire. Durant ma carrière dans le monde cinématographique, j’ai toujours dû me battre contre les stéréotypes, les préjugés, une non reconnaissance de mon travail. C’est un univers essentiellement masculin auquel je me suis heurté très souvent! En débutant la sculpture, j’ai retrouvé les mêmes réactions et comportements dans le milieu artistique. Une femme qui fait du monumental, ça dérange. Souvent, on doute encore de l’origine de mes oeuvres, c’est pourquoi, je poste régulièrement des vidéos sur Youtube tournées en atelier, afin de prouver que je suis bien l’auteur des sculptures!
Il y a 4 ans, j’ai intégré le Business and Professional Women Club de Lausanne, dont l’Equal Pay Day (égalité salariale) est “un cheval de bataille”. Il a lieu chaque année en février et j’y participe au travers d’une création en live. Cette année, pour les 10 ans, nous avons organisé une exposition “Regard Puissance 10” réunissant 5 hommes et 5 femmes. Chaque artiste a créé une oeuvre symbolisant la notion d’égalité. Et ces évènements remportent toujours un grand succès. Ainsi j’utilise ma créativité dans un but non seulement artistique, mais également très humain, social, pour le bien être des femmes et aussi des hommes, car nous devons agir ensemble.